Last words critique

Last Words de Jonathan Nossiter

Avant-première Festival de Cannes 2020 – Last Words fait partie de la Sélection officielle du Festival de Cannes 2020 et a été présenté pour la première fois au Festival de Deauville, en septembre 2020. Il sortira en salles le 21 octobre 2020.

Ce voyage prend place en 2086. Un jeune homme (interprété par Kalipha Touray), qui n’a pas d’identité propre, est l’un des seuls survivants sur terre. Autour de lui, que des débris de villes autrefois pleines et le constat terrible d’une terre desséchée et stérile. Dans son errance, il rencontre un vieux cinéphile un peu fou (incarné par Nick Nolte), qui a stocké dans sa cachette un nombre impressionnant de pellicules cinématographiques. Ces deux solitaires se rendent alors compte du plaisir d’être de nouveau à deux. Cette éducation au cinéma va motiver le vieil homme à construire ce qui pourrait être “la dernière caméra de l’humanité”. Ils décident de continuer leur route ensemble, empoignant vieilles bobines et caméra bricolée, à la recherche de traces de vie. Car, là où il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Une civilisation dans les ruines de l’humanité

Et, en effet, une communauté les attend dans les ruines d’Athènes. Cette société organisée semble être une communauté de survivants, qui n’ont plus rien de l’Homme que l’on connaît aujourd’hui. Jonathan Nossiter, dont la notoriété s’est installée avec le documentaire Mondovino (2004), trace dans ce long-métrage d’autres dérives d’une société surexploitée. Comme principales conséquences désastreuses : la nature, à l’ordre de poussière. On l’avait vu dans Interstellar, de Christopher Nolan, on retrouvait cette idée de société réduite à néant dans Je suis une légende, de Francis Lawrence, mais cette approche est ici un peu différente. Jonathan Nossiter s’intéresse davantage à l’humain et à ses nombreuses couleurs, telles que la folie, la joie, la solitude, le désir. Il explore les âmes de ses différents acteurs pour les dépasser, les mettre à l’épreuve de personnages que l’on ne connaît que très peu dans le cinéma actuel. Ainsi, Charlotte Rampling apparaît méconnaissable dans un rôle de vieille dame allemande aux prémisses de la folie. Stellan Skarsgard (Will Hunting, Melancholia…) semble camper un personnage sympathique mais au profond mal-être face à l’insoutenable impasse d’une civilisation qui se meurt. Nick Nolte arbore des traits de savant fou qui le rendent tantôt attachant, tantôt difficile à cerner.

De gauche à droite : Nick Nolte, Charlotte Rampling, Stellan Skarsgard

L’ambiance générale du film ajoute aussi ce sentiment complexe face à ce long-métrage un poil ovni. Les regards, les silences, les actes… Rien n’a vraiment de sens pour nous, civilisation de 2020, qui regardons cette projection dystopique d’une société miséreuse en 2080.
A cela, le réalisateur déclare qu’il s’agit d’une “fiction qui est peut-être un documentaire d’anticipation” au Festival de Deauville en septembre dernier, suivi de : “J’espère que non » .

Last Words : une ode au cinéma confondu en scénario étrange

Outre l’ambiance parfois glauque, le scénario se perd parfois en une sorte de recueil de citations un peu faciles. Parmi elles : “Only plants matters, no humans” ; “Nostalgia never paids” ; “We need to invent something between birth and death” . Nous comprenons donc aisément la part d’engagement écologique du scénario. Mais, malgré ce manque de subtilité, Jonathan Nossiter prend le soin de construire des plans léchés. Dans ce décor post-apocalyptique filmé au Maroc, il trouve des connexions possibles entre la nature et l’humain. Parfois, cela se fait au moyen d’une caméra inventive, à la recherche d’un mouvement. D’autres, grâce au choix d’une lumière qui sublime une scène ou un personnage – une pensée notamment pour le plan de Charlotte Rampling sur la plage, ses yeux débordants de tendresse et de perdition -.

En cette période sanitaire et sociétale complexe, il est étonnant de voir un film qui fasse tant écho avec nos problématiques actuelles. L’idée étant, pour les programmateurs, de montrer l’importance du cinéma et de l’art au sens large dans la société. Comme le dit dans le film le vieux sage/fou : “Les pellicules sont vivantes, plus que nous !
Que restera-t-il après nous ? Le cinéma !

“Last Words” de Jonathan Nossiter, sortie en salles prévue le 21 octobre 2020

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