Festival lumiere 2020

A l’intérieur du Festival Lumière – Edition 2020

Qui aurait pu penser, en cette année compliquée pour la culture et le monde au global, qu’un tel événement serait maintenu ? Et bien, ils l’ont fait ! L’Institut Lumière a lancé sa douzième édition le samedi 10 octobre 2020. Elle s’est achevée le dimanche 18 octobre sous de nobles auspices, malgré les annonces du Président durant la huitaine. C’est donc avec un certain enthousiasme que spectateurs, invités spéciaux et membres de l’équipe ont ouvert le bal.

Les Frères Dardenne mis à l’honneur

Cette année, le Cinéma avec un grand C est mis à l’honneur avec les frères Dardenne, deux réalisateurs belges connus pour leur filmographie humaniste, vibrante et profondément militante.
Le duo belge est venu ainsi présenter chacune de ses œuvres. Ils expliquent au spectateur que, dans la plupart de leurs histoires, réside le destin de véritables femmes et hommes. Leur caméra ne juge ni ne condamne, mais brise les oeillières pour pénétrer dans le vrai. Les acteurs choisis par les frères Dardenne sont des acteurs bruts, au faciès singulier, qui se révèlent dans toute leur complexité et sensibilité au fil des pages du scénario. Jérémie Renier, 14 ans dans La Promesse (1995), campe le fils d’un père peu scrupuleux qui joue avec les destins d’immigrés en leur soutirant de l’argent contre des passeports, qu’ils ne verront parfois jamais. Dans Le gamin au vélo (2011), Thomas Doret incarne le jeune Cyril. Ce dernier se voit offrir une nouvelle vie mais vacille vers des chemins plus obscurs.
Les frères Dardenne filment donc les impasses, les brûlures du corps et de l’âme, les esprits contrariés. La trahison, aussi, qui est parfois nécessaire pour faire le bien. Ces paradoxes sont aussi les signes de vies complexes, bien souvent écartées des projecteurs. Rosetta (1999) obtiendra d’ailleurs la récompense ultime du Festival de Cannes avec la Palme d’or, la même année. Contestée pour certains critiques, elle était attendue pour d’autres. Là encore, les frères Dardenne prouvent leur inclassable regard.

Jérémie Renier dans La Promesse, de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Le Festival Lumière 2020 : une édition entre angoisses et euphorie

Arrivé comme un ovni face à l’hécatombe des événements culturels depuis l’été 2020, le Festival a été rigoureux. De nombreuses mesures sanitaires furent ainsi respectées, à commencer par des salles de cinéma remplies à 50% de leur capacité. Selon la répartition du public, certains chanceux ont pu obtenir un billet de dernière minute, tout en conservant l’espacement requis.

La séance d’ouverture fut plus intimiste, dans la presse comme côtés spectateurs et invités. “On sait que le virus est toujours présent et qu’il faut faire attention plus que jamais aux mesures sanitaires. Notamment par respect de certains invités, anxieux de se retrouver au coeur d’un événement qui déplace beaucoup de monde. Il fallait donc faire attention au bien-être des personnalités.” explique Lorène Cliet, assistante de production pour Panthers, agence prestataire du festival.

Nous avions une folle envie que le festival ait lieu, une hâte de se retrouver

La remise du Prix, toujours dans la mythique salle 3000 à la Cité Internationale, a conservé les traces des dernières éditions. Des discours de proches des Dardenne, aux clips montés au millimètre, l’émotion était palpable sur cette symbolique estrade. Nous sentions donc l’âme plus que jamais volontaire de l’équipe du Festival. “J’ai senti chez tous mes interlocuteurs une folle envie que le festival ait lieu, une hâte de se retrouver” exprime Maelle Arnaud, Responsable de la programmation à l’Institut Lumière. “Pendant le confinement, j’avais remarqué une programmation de plusieurs films à la télévision ou sur les plateformes restaurés lors des éditions précédentes du Festival Lumière.” Ce qui prouve qu’en ces temps incertains, le travail acharné et passionné du festival profite à l’ensemble des arts audiovisuels.

Côté spectateurs, veste qu’arbore aussi un journaliste du festival, nous étions remerciés par les différents artistes venus présenter leurs films. Que cela soit par Thierry Frémaux, Président du festival, à l’avant-première de A good Man, par les Frères Dardenne, ou par l’équipe organisatrice… Tous étaient émus de voir les spectateurs toujours présents et les salles, combles. Une présence qui résonne comme une lutte silencieuse du combat de la culture face à l’épidémie actuelle.

Entretien avec Fabrice Calzettoni de l’Institut Lumière

Fabrice Calzettoni

Pouvez-nous nous parler de vos fonctions au sein de l’Institut Lumière et durant le festival ?

Fabrice Calzettoni : Je suis le responsable du Musée et de la médiation culturelle. Cela concerne toutes les activités en direction des publics, scolaires et grand public. Pendant le Festival Lumière, je présente les séances de films et accompagne les invités pour les présentations.

Jauge de la capacité des salles réduite, suppression de la soirée de clôture, pas de Plateforme cette année (NDLR : péniche connue pour accueillir les invités et le public lors du Festival Lumière)… Cela a-t-il eu un impact sur votre moral, de l’intérieur ?

Fabrice Calzettoni : Non, car le public était là ! Les salles étaient combles et, même si nous ne pouvions pas les remplir, nous étions heureux de voir le public, fidèle. Du côté des invités, il n’y a pas eu de grands changements de dernière minute. Pour les quelques uns qui se sont désistés, ils étaient véritablement désolés. On sentait qu’il y avait une crainte, voire une peur, qui ne pouvait se discuter. Mais la plupart ont maintenu leur présence.

Quels ont été les grands points de vigilance sur cette édition ?

Fabrice Calzettoni : Les salles de cinéma ont pris le relais durant tout l’événement. Les bénévoles devaient faire attention au niveau des espacements entre chaque groupe. Et la vigilance était de mise jusqu’au dernier moment, car de nombreux spectateurs s’étaient déplacés pour pouvoir acquérir les places restantes. Au global, nous n’avons pas eu de remarques concernant les mesures sanitaires adoptées sur toute la durée du festival.
Le Musée a été investi en “Marché du film” sur cette édition. Les visiteurs ont donc pu (re)découvrir les DVD collectors et restaurés, les goodies de l’édition et des précédentes, les affiches de grands films, etc. Il y a eu une grosse activité sur cette partie là de l’Institut, comme à son habitude. Les bénévoles prenaient soin de respecter le nombre maximum de personnes, par salle, dans le Musée.

L’annonce du Président Macron sur le couvre-feu instauré à 21h a eu lieu durant la huitaine, le mercredi 14 octobre. Comment avez-vous vécu cette annonce de l’intérieur ?

Fabrice Calzettoni : On a dû s’adapter..! On déplore que les salles de cinéma soient mises dans ce même dispositif car jusqu’à présent il n’y a pas eu de clusters déclarés dans les salles. Nous avons donc réaménagé ou annulé certaines séances prévues en soirée sur ce deuxième week-end du festival. La soirée de clôture – qui avait déjà été considérablement réduite, passant d’une Halle Tony Garnier à une projection en salle à l’Institut – a eu lieu avec un programme réduit pour que l’on puisse fermer à temps. In the mood for love, le film initialement prévu, n’a pas été projeté. Nous avons diffusé à la place un court-métrage inédit de 30 minutes de Pedro Almodovar, qui avait pris le soin de l’envoyer à Thierry Frémaux.

Le bilan a été fait avec les équipes organisatrices ce mardi 20 octobre. Quel bilan avez-vous pu tirer de cette édition si particulière ?

Fabrice Calzettoni : Le bilan est très positif. Déjà, nous étions heureux de travailler, compte-tenu de ces conditions exceptionnelles. Nous sommes chanceux que cela se soit maintenu. La présence des invités et des spectateurs a redonné de la joie à cette édition. Presque tous ont répondu présents et ont grandement participé à la réussite de cette 12e édition. Les Frères Dardenne se sont montrés incroyablement disponibles et généreux. ils ont tenu à présenter de très nombreuses séances de films, ont souhaité couvrir un maximum d’événements possibles. Ce qui a marqué le signe de leur reconnaissance à ce Festival, eux qui étaient déjà présents à l’ouverture, la remise du Prix, et la clôture.

– Propos recueillis par Clara Passeron


Festival Lumière 2020 – Edition tenue du 10 au 18 octobre 2020
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