illustration adn film de Maiwenn

ADN de Maïwenn

ADN fait partie de la Sélection officielle du Festival de Cannes 2020 et a été présenté au Festival Lumière 2020. Sorti en salles le 28 octobre 2020, il reviendra à l’affiche dès la réouverture des cinémas en France.

Les films de Maïwenn sont comme une bouffée d’air frais, entrecoupée de claques amères. Pour son cinquième long-métrage, la réalisatrice aborde la mort de son grand-père algérien, décédé en 2017. Une mort qui semble la dévastée au point d’accoucher d’une œuvre difficile, qui résonne en chacun de nous. La caméra inclusive de Maiwenn, nous la connaissons de ses tous premiers films. Mais dans ADN, elle choisit sa propre famille comme terrain de jeu.

La famille, une histoire de maux inévitables

Nos origines nous définissent. Alors, pouvons-nous les combattre, les réinventer ? Evidemment. Dans ADN, Neige, incarnée par Maïwenn, entame une lutte intérieure de quête identitaire. Jusqu’à – presque – s’oublier. Au décès du grand-père, qui semble être de manière évidente le socle de cette famille démantelée, Neige s’interroge sur son passé. Qu’est-ce qui la rassure, la construit, la définit, aujourd’hui ? L’Algérie de son grand-père, ou la France de sa famille actuelle ? La réalisatrice interroge ses personnages par leur place qu’ils occupent dans la famille. Le cousin, la sœur, la mère, le meilleur-ami, le père absent, tous, ici, ont leur regard et leur avis. Et chaque avis contraire ne renforcera que plus l’envie de Neige d’aller au bout de sa démarche : obtenir la nationalité algérienne.

Neige (Maiwenn) avec la photo de son grand-père, en noir et blanc.

Fanny Ardant, excellente dans le rôle de la mère, campe les traits d’une femme névrosée, abandonnée de tout codes. La relation mère-fille est glaçante et dépeint la toxicité parfois présente dans nos relations familiales. Neige osera enfin avouer, dans des soubresauts d’une haine enfouie : “Le contact de ta peau m’effraie” . Et à la mère de rétorquer : “Quand je serai morte, tu m’aimeras pour les mêmes raisons que tu me détestes aujourd’hui” . Des paroles cruelles, que l’on pourrait condamner tant elles sont aux antipodes des bienséances familiales. Mais la réalisatrice se décharge des “qu’en dira-t-on”. Les liens et les rapports familiaux sont, dans ADN, aussi colorés qu’émouvants, aussi tus qu’exprimés.

De g à d. : François (Louis Garrel), Neige (Maiwenn), la tante (Caroline Chaniolleau), la mère (Fanny Ardant), le frère (Henri-Noël Tabary)

La caméra inclusive de Maiwenn

Aux rapports très frontaux d’aborder les sentiments, s’ajoute la caméra inclusive que l’on connait de Maiwenn. La réalisatrice filme au coeur de l’action et dans le coeur de ses personnages. Elle capte les regards, les sourires en coin, le langage non-verbal, décide de laisser l’imperfection et la spontanéité à l’écran. Aussi, elle décide arbitrairement du sort de ses personnages à l’écran. Un exemple très frappant est celui de la longue scène introductive entre le grand-père et son petit-fils, Kévin (Dylan Robert). Maiwenn donne à son acteur presque l’entièreté des premières pages du récit, avec une palette de jeux multiples. On croirait presque que cette diversité des émotions, compactée en quelques minutes, est volontaire. Car Kévin se verra effacer de la suite du récit.
La seule régularité dans les personnages qui voguent autour de Neige est celle de son meilleur-ami, François, incarné par le formidable Louis Garrel. Il incarne l’équilibre dans ce film, tant par sa présence nécessaire pour Neige que par son humour pince-sans-rire qui permet au film – plutôt dramatique – de prendre en légèreté. Il est le meilleur ami qui nous empêche de sombrer, nous permet d’être soi comme de s’oublier totalement.

Neige (Maiwenn) et François (Louis Garrel)

En résumé, ADN est un drame pénible, physiquement et psychiquement pour l’actrice-comédienne, mais fleuri de belles images, d’honnêteté et de vivacité. Peut-être un poil autocentrée – le scénario et la caméra s’orientant de plus en plus vers le personnage de Neige – le film n’en est pas moins viscéral, et toujours juste. À voir (le 15 décembre, normalement !).

Bande-annonce d’ADN : https://www.youtube.com/watch?v=mY59W8nBExg

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