La beauté sombre de la série Euphoria

Euphoria

Diffusée en 2019 sur HBO outre-Atlantique, et sur OCS chez nous, Euphoria compte aujourd’hui une saison dont une deuxième est actuellement en cours de préparation. Réalisée par Sam Levinson, Pippa Bianco, Augustine Frizzell et Jennifer Morrison, Euphoria dépeint une certaine jeunesse américaine emprise à de nombreux conflits internes. Rue, interprétée par l’actrice Zendaya, est le personnage principal de la série et aussi la narratrice – ou voix-off – . Elle pose d’emblée cartes sur table avec le spectateur : la voie qu’elle a emprunté, à savoir la drogue, a été et sera semée d’embûches. Mais son parcours résonne chez nous comme un profond cri de détresse, qui nous donne envie de traverser ces épreuves avec elle, comme un encouragement ou un soutien tacite.

Un portrait de l’adolescence sublimée par la photographie

Marcell Rév, Drew Daniels, Adam Newport-Berra, André Chemetoff, directeurs de la photographie d’Euphoria, livrent des épisodes d’une réelle beauté cinématographique. Le terme “lustrés” conviendrait parfaitement, tant leur regard rend beau le détestable. Euphoria est une série dramatique dans laquelle l’espoir erre autour des personnages sans qu’ils n’arrivent à le saisir.

Coincés à leur manière, ces adolescents connaissent l’extase et l’horreur en un battement de cil. La photographie nous fait penser inévitablement à la touche retrowave du cinéma de Nicolas Winding Refn ou au très bon Good Time, des frères Safdi. Le magnétisme d’Euphoria peut se comparer à la photographie de The Neon Demon. Le dialogue et l’histoire deviennent alors, dans des instants silencieux, secondaires. Chaque épisode ressemble à un clip d’une heure : lumières tamisées, factices, chorégraphies des corps, mouvements de caméra. Le moindre détail, utilisé à des fins en apparence esthétiques, éclaire des symboles plus profonds de la série. Par exemple, les paillettes utilisées sous les yeux de Rue nous renvoient à la beauté et à la puissance des émotions que l’on peut vivre à cet âge là. Les larmes étincelantes sont donc à la fois le signe d’une explosion d’amour et d’une tristesse de l’âme. Un détail récurrent dans les épisodes d’Euphoria.

Les névroses sont silencieuses, parsemées d’un jeu subtil qui transperce l’écran. Difficile, donc, de rester insensible face à ces personnages cruellement dessinés. Mais sont-ils condamnés à sombrer ?

Quand le sombre rencontre la lumière

Euphoria est une série qui traite de sujets difficiles tels que la dépression, la perte d’un proche, l’hypersexualisation lorsqu’on est une jeune fille, ou encore la dépendance affective. Des sujets que l’on a pu observer dans la série britannique Skins (2007-2013) qui se voulait plus trash et décalé qu’éducatif, ou dans la plus récente 13 reasons why (2017-2020), qui aborde le suicide d’une jeune fille à travers les différentes palettes de personnages qu’elle a pu côtoyer, gais comme profondément désaxés. Presque trop fantastiques pour tirer vers le vrai. Euphoria, quant à elle, nous bloque dans un présent, dans une réalité non fantasmée de la jeunesse. A l’image de la dépression que subit Rue, nous sommes dans cet entre-deux, entre l’optimisme et la rechute. Mais quelques étincelles narratives parsèment tout de même cette série, comme la relation entre Rue et sa mère, l’amour candide de Jules et Rue, ou encore la douceur abîmée de Cassie Howard, interprétée par Sydney Sweeney.

L'amitié-amour entre Jules (Hunter Schafer) et Rue (Zendaya)

Euphoria s’adresse aux adolescents, mais en réalité, pas vraiment. Terriblement juste et mature, elle permet difficilement à une majorité de jeunes de s’identifier. La série est donc avant tout une œuvre d’art, une expérience cinématographique sur petit écran, à regarder telle quelle. Plus qu’à attendre la saison 2…
Rendez-vous le 25 janvier 2021 pour un épisode spécial centré sur le personnage de Jules.

Titre inspiré de la très belle chaîne YouTube “Beauty of”, qui reprend la photographie de beaucoup d’oeuvres cinématographiques.

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