Rencontre avec Thaïs Lona, nouvelle voix chaude et soul de la scène française

Bonjour Thaïs ! Tu es ici, au Festival Woodstower, dans la périphérie de Lyon, après avoir parcouru les scènes de la région et le nord de la France. Raconte-nous comment le chemin s’est déroulé pour toi pour arriver dans la line up du Woodstower ?

Thaïs Lona : En tant que lyonnaise, je suis très fière d’être programmée au Woodstower cette année. C’est un festival que j’ai l’habitude de faire, en tant que festivalière… Je comptais même revenir cette année ! Puis on m’a proposé d’être de l’autre côté, en tant qu’artiste, alors, évidemment, j’ai dit oui. Peut-être que le fait d’être lyonnaise a déclenché leur envie de me contacter ? Dans tous les cas, j’en suis très heureuse. C’est un super festival. 

Tu viens de donner ton concert face à un public très réceptif. Tu communiques beaucoup avec lui, leur envoie des bonnes ondes, lance des petites blagues. C’est quelque chose qui te tient à cœur ? 

Thaïs Lona : Je pense que ce qui me tient le plus à cœur est d’être honnête avec le public, d’être authentique. Il n’y a jamais de concerts où je n’interagit pas. Pour moi, il est important de rassurer les gens, de les mettre dans une bulle où ils se sentent bien, où ils peuvent lâcher prise. J’aime l’idée qu’ils ressortent du concert chargés positivement.

Thaïs Lona en concert © Jules Azelie

Ta voix est assez chaude, avec des sonorités soul et RnB, comment définirais- tu ton style musical ?

Thaïs Lona : Le terme chaud est bien adapté, j’ai écouté énormément de styles différents dans ma jeunesse mais j’aime particulièrement mélanger la soul, le jazz, le RnB, avec un peu de rap. Je trouve qu’aujourd’hui, les appellations deviennent assez floues et parfois même incohérentes. 

En parlant de rap, tu écris plutôt tes textes en langue anglaise : est-ce un choix de rythmique ou est-ce parce que le français n’est pas une langue dans laquelle tu cherches à t’exprimer ?

Thaïs Lona : Pour le moment j’écris mes textes exclusivement en anglais car c’est surtout une question de sonorité. J’ai essayé de faire rythmer mes mélodies avec le français, mais cela ne servait pas la musique. Je suis instrumentiste avant toute chose et c’est dans ce sens que je construis mes chansons : je joue, je compose, ensuite j’écris. Je ne suis malheureusement pas une parolière instinctive. C’est d’ailleurs pour cela que je m’entoure de gens talentueux comme NotaBene (NDLR : Rappeur et parolier lyonnais, influencé par Eminem, J. Cole, Mac Miller…) qui a coécrit avec moi un bon nombre de musiques sur l’album. 

Écris-tu pour le plaisir, à côté de ta musique ?

Thaïs Lona : Et bien… Pas vraiment. Je me rends compte que ce n’est pas mon domaine de prédilection. J’ai beaucoup d’idées qui foisonnent mais je vais surtout les mettre au service de la composition. 

Dans un sens, tu as raison : chacun ses arts et ses exutoires. 

Thaïs Lona : Exactement. Je trouve qu’il est aussi important de parfois séparer les arts. On a tendance à nommer les artistes en tant qu’auteur-compositeur-interprète… Mais chacune de ces étiquettes mérite d’être embellie, explorée à fond. J’ai donc fait participer des artistes talentueux sur les textes, là où j’étais moins à l’aise, pour me concentrer sur la composition. 

D’ailleurs, d’où t’es venu cette envie de créer de la musique ? Cela remonte à ton enfance, ton adolescence..?

Thaïs Lona : J’ai eu la chance d’avoir un beau-père musicien. J’étais tout le temps en train de toucher ses instruments de musique… Et cela se reproduisait quand j’allais dans une autre maison, quand ma mère était invitée pour un dîner par exemple. Il fallait absolument que je trouve les instruments de musique chez les hôtes, ou, au moins, regarder leurs CDs. Je me rappelle que j’étais scandalisée quand je me rendais compte qu’une personne ne pouvait avoir ni instrument, ni albums, que la musique ne faisait tout simplement pas partie de leur vie. Je me disais : “Comment font-ils pour vivre ?” (rires).

As-tu ensuite suivi des cours de musique ?

Thaïs Lona : J’ai été inscrite au conservatoire à l’âge de cinq ans. Dès lors, je n’ai fait que ça. Il y a par contre eu un moment de déclin, vers l’adolescence, où je commençais à être fatiguée des carcans qu’on nous imposait. J’avais envie de créer ma musique, ce qui est normal, j’imagine, après des années d’apprentissage des bases et des méthodes. 

Et puis le but de ces formations est de te donner les bases et les outils pour t’aider à la création. Si on formait les artistes pour qu’ils restent dans des cases cela serait bien triste et ennuyeux. 

Thaïs Lona : Complètement. C’est d’ailleurs ce moment qui est beau dans la vie d’un artiste : cet instant où tu arrives à sortir de la formation et où tu arrives à livrer ce que tu es, au fond de toi. 

Tu as donc sorti ton premier EP en avril 2021. Raconte-moi ce projet. 

Thaïs Lona : J’étais à la fois impatiente, excitée, pleine de motivation, et frustrée car je voulais que cela sorte bien avant 2021. J’ai tourné le premier clip seule, chez moi, en mars 2020, avec le covid ! (rires). Heureusement, cela n’a duré que quelques jours. C’était à la fois un moment précieux, car je pouvais produire tout ce que je voulais et sortir des singles en ligne, et un moment étrange, car j’étais dans une impatience d’enfin livrer ce projet. J’ai aussi eu la chance d’être accompagnée par un label attentif et des artistes talentueux.

Tu dirais donc que ce premier projet, cet EP, est un projet surtout intime ? Car de nombreux artistes ont parfois peur de se livrer dès le début et choisissent des mélodies qui vont plaire au plus grand nombre et qui s’inscrivent aussi dans une époque donnée.

Thaïs Lona : Je n’ai pas su faire autrement que d’être personnelle. Que ce soit sur scène ou dans mes chansons, je ne peux malheureusement pas m’empêcher d’être moi. Je dis “malheureusement” car j’envie, d’un certain côté, les artistes qui ont créé un personnage. Ça doit leur rendre la vie plus simple : ils enfilent un masque en entrant sur scène et le retirent quand ils rentrent chez eux. De mon côté, je veux rester la même à la vie privée et à la scène. 

Et quelle musique refléterait le plus, selon toi, ton univers, et, si elle est différente, laquelle est celle qui te rend la plus fière dans cet EP ? 

Thaïs Lona : Il y a une musique très importante pour moi, celle qui marque le début de tout : Dancing Again. C’est le départ notamment parce que ce fut le tout premier single que j’ai sorti. Elle marque la fin d’une relation vraiment toxique, qui a d’ailleurs retardé mon projet même si elle a aussi, d’un certain côté, aidé à la création. Dès que je la chante, elle me renvoie à certains passages de ma vie et me donne la rage. Elle m’oblige, aussi, à me rendre compte de mon parcours et comme je suis heureuse aujourd’hui. Choisir d’être bien et d’être heureux est tellement plaisant. C’est aussi, musicalement, une des musiques que je préfère et vers quoi j’aimerais tendre plus tard. 

Je suis aussi fière de Words, qui parle à pas mal de personnes. Elle est assez communicative et positive et j’ai l’impression qu’elle fait du bien aux gens. 

Quelle est la suite pour toi, pour cette fin d’année 2021 et pour 2022 ?

Thaïs Lona : Normalement je vais pouvoir faire pas mal de premières parties ! J’irai dans quelques Zéniths en France,  dont les Zéniths de Paris et Bercy pour la première d’Ibrahim Maalouf.

Ibrahim Maalouf et Thaïs Lona © Thaïs Lona

J’ai d’ailleurs lu que tu étais devenue la protégée d’Ibrahim Maalouf. Comment expliques-tu cette relation ?

Thais Lona : J’en suis vraiment heureuse, j’ai découvert qu’il disait ça de moi et ça a confirmé le fait que, lorsque l’on prend les bonnes décisions, la vie te montre le chemin. J’étais justement dans une passe sentimentale pas dingue, professionnellement j’avais aussi décidé d’arrêter d’être intermittente car ce statut ne me convenait plus. Bref, j’étais dans un complet renouveau. J’ai reçu un coup de fil du label d’Ibrahim Maalouf : “On t’a découvert sur internet avec tes covers, on voudrait te signer.” Et je me suis dit “Wow, cool, c’est donc ça qu’il faut que je fasse”. 

Merci au Woodstower pour l’organisation de cette rencontre et un sincère remerciement à Thaïs Lona pour sa disponibilité et sa chaleur humaine. 
Photo en Une : © Pour le dire

© Pour le dire