Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux

Quentin Dupieux revient avec un nouveau long-métrage, toujours aussi absurde et cynique. Un couple, interprété par Alain Chabat et Léa Drucker, emménage dans une nouvelle maison. Jusqu’ici rien d’étonnant. Sauf que cette maison renferme un conduit étrange… Au fond duquel se trouve une faille temporelle. 

Dupieux : un loufoque pas si perché

Quentin Dupieux est nécessairement un leader charismatique. Comment embarquer à la fois acteurs français connus et reconnus et partenaires exigeants tels qu’Arte et OCS ? Sa vision est nécessairement pertinente, sans quoi sa troupe ne le suivrait pas sur un simple scénario loufoque d’1h14. Le cinéaste séduit aussi par cette triple ou quadruple casquette qu’il arbore : scénariste, directeur de la photographie, réalisateur, monteur… Il est donc à la fois dans le fond et dans la forme. Il faut donc nécessairement du talent.

D’abord, pour écrire de l’absurde sans risquer de perdre ou d’écœurer son spectateur. On le sait, les scénarios de Quentin Dupieux sont souvent en dehors de tout ce que l’on peut connaître du 7e art : un pneu tueur dans Rubber, une veste en daim qui rend son détenteur complètement obsessionnel dans Le Daim, une mise-en-abyme d’un film, dans un film, dans un film avec Réalité… Ce qui rend les films de Quentin Dupieux si bons est qu’il connaît parfaitement la limite entre et l’absurde et le suremballage.

Incroyable mais vrai : un film à l’absurde plus mature

Ce qui est pénible avec Quentin Dupieux est la facilité qu’il a à nous prendre par la main, nous amener dans l’absurde sans transition, et rendre cet amas – qui pourrait être grossier mais ne l’est pas – de débris loufoques cohérents. Voire presque poétiques. Il est de ces auteurs qui rendent le fou digeste, le beau vide et l’étrange divertissant. En ayant l’humilité de s’économiser de plans complexes et d’acteurs en vogue. Non, Dupieux reste fidèle à sa composition d’acteurs simples, non lisses et justes.

Le scénario est simple : un couple, des personnages secondaires colorés, un élément irrationnel. Et toute la vie autour, qui s’articule. Pourtant, Dupieux semble parsemer un peu de fond social, sociétal et économique. Ce qui l’emmerderait sûrement profondément que l’on puisse l’analyser comme cela. Pourtant… Les strates sont bien là. Mythe de la jeunesse éternelle, culte de l’apparence, complexe de masculinité, peur de passer à côté de sa vie. 

Ces thèmes, abordés avec l’humour lunaire que l’on connaît chez Dupieux, créent une certaine substance à un postulat de base assez décousu. 

De gauche à droite : Alain Chabat, Anaïs Demoustier et Benoît Magimel

Des acteurs lumineux et surprenants 

Dupieux est plutôt dans la case des réalisateurs fidèles à une poignée d’acteurs : Alain Chabat, Jonathan Lambert, Anaïs Demoustier, Laurent Nicolas… Il n’est pas rare de voir réapparaître des visages familiers dans ses nouvelles productions. Son défi est alors double : comment déconstruire totalement le rôle que ses acteurs et actrices avaient dans ses précédents films et embarquer les nouveaux visages dans ce bouillon de névroses ? 

Car le point commun entre tous les personnages de Dupieux est leur profonde humanité. Ils sont attachants de fraîcheur, de naïveté, de connerie. Ils peuvent prononcer les pires horreurs, être imbus d’eux-mêmes comme bons suiveurs… On les aimera tout autant. 

Léa Drucker nous entraîne dans sa démence de la quête de la jeunesse, Alain Chabat est d’une normalité presque attendrissante, Anaïs Demoustier épouse parfaitement le rôle de la compagne minaudière mais sagace, Benoît Magimel est un parfait complexé de l’entre-jambe. Cette ribambelle d’acteurs tout simplement bons donne à l’incroyable une appréciable teinte de vrai. 

Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=zJ1vRfOnzsY 

Photographies : © Arte France Cinéma et Versus production 

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