Trois mille ans à t’attendre de George Miller

Qu’est-ce que les mythes et histoires racontent de nous ? Fantasques, étranges, habités de monstres ou de créatures divines, ils sont une part de nous que nous refusons parfois d’entendre. Mais si vous tendez l’oreille, si vous allongez votre regard, que verrez-vous ?

Un génie qui vous veut du… Bien ?

Alithea est une femme accomplie. Narratologue, elle couche sur papier mille et une fantaisies et anime des conférences autour des mythes et de la science. Si l’un semble répondre à l’autre, c’est parce qu’il y a parfois ce bout de mystère qui perturbe un essai scientifique, ou une preuve rationnelle qui ébranle la diffusion d’un mythe. Raison et imagination jonglent perpétuellement dans le cerveau d’Alithéa. Que se passerait-il, alors, si un élément fantastique venait perturber le milieu rationnel et organisé d’Alithéa ? L’accueillerait-elle ? Le rejetterait-elle ? Là est toute l’intrigue du film. 

George Miller réussit à construire un personnage empli de contrastes, qui s’autorise à vivre l’étrange mais qui cherche, surtout, à le disséquer. Quand un génie s’invite chez elle, elle lui propose donc de s’asseoir pour discuter. “Trois voeux” , lui propose-t-il alors d’exprimer. Et là est toute la beauté du jeu de Tilda Swinton : emplir son visage d’étonnement tout en gardant une posture bien alignée.

Se met en place alors un jeu de questions et réponses. Sceptique, Alithéa cherche à comprendre : pourquoi ce génie veut-il à tout prix lui soutirer des souhaits ? Que gagne-t-il, en échange ? Et quelles ont été les issues, avant elle, des heureux ou malheureux s’étant prêtés au jeu ? Le génie lui raconte ainsi son histoire, et toutes celles qu’il a traversées auprès des gens qu’il a voulu aider.

Trois Mille ans à t’attendre : un conte éveillé jamais loin de notre réalité

Il y a un parallèle évident entre le scepticisme d’Alithéa à éviter l’imaginaire comme elle souhaite éviter l’amour dans sa routine parfaitement orchestrée. Pas de place, dans son quotidien, aux mystères et illusions qu’abritent ses mythes. Elle traverse les histoires pour vivre des émotions sans en être l’esclave. “J’accède aux sentiments à travers les histoires” souffle-t-elle alors à ce génie étrange. 

Dans ces contes dont le génie est narrateur, nous voyons alors les possibles et les risques à vouloir amplifier sa vie : l’intelligence, le pouvoir, l’amour, les savoirs… Le cinéaste ne s’économise pas dans la beauté de sa réalisation. Chaque saynète tenue par des héros ayant croisé la route du génie est remplie de détails, d’images, de musicalité. On plonge dans des univers bien particuliers, teintés de cette poésie onirique comme Michel Ocelot sait le mettre en scène ou Claude Ponti l’illustrer. 

Le réalisateur de Mad Max a donc emprunté des chemins tout autres de là où on pouvait l’attendre, et le résultat n’en est que meilleur. Car dans un mythe comme au cinéma, la magie opère quand on ne maîtrise pas tous les contours. À voir.

Photographies : © Leonine

© Pour le dire

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