Rencontre avec le réalisateur Olivier Dahan pour « Simone, le voyage du siècle »

Ça commence par une douce journée d’été des vacances à La Ciotat puis c’est l’horreur parsemée entre deux souvenirs. « Il fallait une certaine agressivité, là-bas. » « Là-bas« , ce sont les camps de la mort, où Simone Veil luttera pour s’en sortir. C’est cette même agressivité et résistance qui porteront ses combats, tout au long de sa vie. Donner la parole aux oubliés, aux marginaux, à ceux dont on n’a pas envie de voir. Les prostituées, les malades, les héroïnomanes… Et leur redonner leur dignité.

Simone Veil a lutté toute sa vie. Depuis sa tendre enfance, contre les diktats, la pression machistes de ses supérieurs, devenus ensuite ses collègues, dont le rapport de force ne semblait pas changer. Sa lutte était sans fin et à donner le pas à de nombreuses évolutions pour les droits de l’Homme, les droits de la femme, ou même à plus grande échelle pour les droits de tout Européen. “Simone, le voyage du siècle”, entre en résonance terrible avec les événements que nous traversons en ce moment.

Et si ça avait été nous ? Et si c’était nous ?

Interview avec Olivier Dahan, réalisateur :

La musique originale d’Olvon Yacob accompagne l’œuvre, comme un personnage à part entière. Comment avez-vous travaillé cela ?

Olivier Dahan : J’ai travaillé sur la musique avant le tournage, et ai continué pendant. C’était sans cesse en symbiose, en adéquation avec l’image. Le montage du film s’est fait grâce à la musique.

Chaque scène était donc pensée musicalement ? 

Olivier Dahan : Complètement. Il s’agissait effectivement d’un personnage. Elle me permettait d’oppresser le spectateur quand je le souhaitais, ou de le caresser à d’autres moments. Je voulais que ce soit organique, physique, que l’on ressente sa présence.

Les camps prennent de plus en plus d’importance dans la fin de l’histoire. Pourquoi ce choix, plutôt que la suite des combats de Simone Veil sur sa fin de vie ? Aviez-vous une idée du montage pendant que vous tourniez les scènes ?

Olivier Dahan : Le montage a été long mais le film que vous avez vu a été exactement écrit comme cela. Ce qui a pris du temps, après le tournage, c’était de retrouver la même pulsation que dans l’écriture du scénario. Le montage est ce qu’il y a de plus important, à mon sens. Et c’est parfois ce qui prend le plus de temps entre le tournage du film et la post-production.

C’est un film sur la vie de Simone Veil, ses luttes, son enfance. Et qui parle aussi de la rafle et des camps. Ce n’est pas la première à aborder ce sujet et pourtant, il y a cette empreinte du réel, cet écho à l’actualité qui nous prend terriblement aux tripes.

Olivier Dahan : Ce n’est plus autant traité que cela, depuis quelques années. Certains films nous ont marqués, comme La Liste de Schindler, Le Pianiste, mais pour la jeune génération il s’agit de très vieux films. Montrer, ça permet de transmettre. D’en discuter, aussi. Ce n’est évidemment pas le seul sujet montré dans le film, même s’il est central. Disons qu’à la fin du film on aborde plus la mémoire de façon philosophique. Rien n’est permanent, tout s’érode très vite, on peut le voir avec le combat pour l’IVG notamment. Il ne s’agit pas de dire “amen” à tout ce qu’à dit ou fait Simone Veil mais d’alimenter le débat, entre les gens, s’ils le souhaitent. 

La mémoire se doit donc d’aller au-delà des vivants.

Olivier Dahan : Ce qui est sûr c’est qu’au bout de trois générations, c’est moins épidermique.On va dire que cela rentre dans l’Histoire. Donc, nécessairement, cela se transforme. Reste donc à savoir ce que l’on en fait. 

“La nature d’une personne démarre bien avant l’âge adulte : la dureté, l’humanité, les convictions…”

Olivier Dahan

Votre film se construit comme une boucle : il débute avec un plan sur une table en osier, posée dans un jardin baigné de lumière, où l’on distingue un citron et quelques fleurs posées nonchalamment. Est-ce que vous souhaitez ramener cette scène douce comme pour fermer les chapitres difficiles de Simone Veil ?

Olivier Dahan : Quand j’ai commencé à monter le film, je savais qu’il commencerait et finirait par ce plan. Si je devais l’expliquer, je pense que c’est surtout parce que ce plan évoque l’enfance. C’est cette période charnière, qui fait que l’on devient ce que l’on est. À mon sens, Simone Veil était déjà, à l’âge de 8-10 ans, dans une forme de rébellion, avec un esprit très aiguisé. Je pense que la nature d’une personne démarre bien avant l’âge adulte : la dureté, l’humanité, les convictions… 

Votre film est dédié à Claude Dahan, et l’on peut apercevoir le nom d’Eliott Dahan au générique de fin. Cette empreinte familiale était-elle importante pour vous ?

Olivier Dahan : Oui, relativement. Le film est dédié à mon père, Claude, qui est mort pendant le montage. Il n’a donc pas vu le film. Il était militant, durant toute sa vie. Je ne m’entendais pas forcément avec lui mais j’ai baigné depuis tout petit dans son activisme, militantisme. Eliott est l’un des mes fils, qui a participé à la musique du film. 

Merci à Olivier Dahan pour cette interview, ainsi que toute l’équipe de production. 

Merci à UGC Lyon Confluence pour l’organisation de cette rencontre presse ainsi qu’au Sofitel Lyon Bellecour pour cette belle salle de conférence.

Photographies et interviews : © Pour le dire