Everything Everywhere All at Once de Daniel Scheinert et Daniel Kwan

Arrivé comme un alien dans une programmation de rentrée mitigée, Everything Everywhere All at Once s’annonçait comme un tourbillon de fraîcheur. D’autant plus quand on sait que la société de production indépendante A24 est derrière. 

Everything

Evelyn Wang est propriétaire d’une laverie avec son mari. Ils croulent sous les factures qui volent et qu’ils tentent tant bien que mal de ranger, classer, trier. Mais rien n’y fait, le débordement de cette vie cadencée nuit de plus en plus à la famille Wang. Il y a la fille, aussi. Joy, qui ne comprend pas sa mère et inversement. L’une vit dans la tradition chinoise, l’autre dans son époque. Deux mondes qui ont du mal à s’interconnecter, et qui font des étincelles quand ça se passe. 

Un événement vient alors chambouler la vie d’Evelyn : en se rendant aux impôts, un homme au physique exact de son mari l’interpelle : “Maintenant, il va falloir te battre” . Se battre contre qui, contre quoi ? Là est tout l’enjeu du film. 

Everywhere

À partir de là, elle fera face à une ribambelle de méchants, rappelant la scène de combat de Kill-Bill et la scène du restaurant ou, dans le ton, les anti-films de super-héros à la Kick-Ass ou Scott Pilgrim vs The World. On est donc dans une ambiance très marquée 00’S-10’s où les héros sont des anonymes noyés dans la masse se retrouvant confrontés à une situation exceptionnelle.

Comment réagit alors un M. ou Mme Tout-le-monde quand on lui présente un schéma aux antipodes de toute logique ?

Michelle Yeoh brille en incarnant cette femme du quotidien qui se retrousse les manches pour se sauver et sauver celle qu’elle aime. Comme un cri du cœur poussé contre ses anciennes habitudes, Evelyn se dépasse au plus grand plaisir des spectateurs. Son évolution est certes spectaculaire mais n’en reste pas néanmoins articulée autour d’une prouesse bien utile : quand elle voyage dans ses vies parallèles, où elle est la même Evelyn mais ayant emprunté d’autres chemins, elle réussit à puiser en chacune d’elle le meilleur pour survivre. Nous voyageons ainsi à la manière de Nemo dans Mr. Nobody qui traverse l’ensemble de ses vies, avec tous les chemins qu’il aurait pu prendre. S’il avait suivi sa mère au moment du divorce, dans son enfance. Ou s’il était resté avec son père. Et s’il avait épousé cette personne, plutôt qu’une autre. Le voyage d’Evelyn est toutefois bien plus épileptique car elle “transplane” de corps en corps avec sa vie initiale comme repère. 

All at once

Everything Everywhere All at Once est donc un mélange nébuleux de plusieurs idées et notions : le multivers, le déterminisme, la tradition, la famille, la société, les mœurs, l’amour. Les Daniels ont un malin plaisir à nous enivrer de plans, avec la bande-son viscérale de Son Lux. Les scènes d’actions cabriolent et le tout est teinté d’absurde pour retenir, grâce au rire, ceux qui tenteraient de lâcher prise. 

Oui, mais…

Dans un long-métrage de 2h20 qui ne s’arrête jamais, il y a nécessairement deux virages : soit on adore, du début à la fin, soit on est gavé. De son, d’images, de situations. Les moments d’apaisement, comme la scène des rochers, peuvent nous donner quelques aérations. Quelques émotions, même. Presque trop rares, alors que le fond est là. 

Alors, vous finirez certainement fatigués. On espère que ce sentiment sera plutôt dans le bon sens que dans le mauvais.

Toujours à l’affiche (et plus pour très longtemps).

Photographies : © Leonine and A24

© Pour le dire