Le Festival Lumière 2022 – The Big Lebowski, 12 hommes en colère, Beetlejuice et les autres

Le Festival Lumière 2022 vient de fermer ses rideaux. Une 14e édition riche en événements et, il faut dire, en fraîcheur. Je crois que je n’avais pas vu pareille sélection depuis quelques éditions : il y a, en parallèle d’un nouveau vent dans le cinéma français avec l’excellent L’Innocent projeté en Cérémonie d’ouverture, une envie de cinéma plus simple. Plus populaire. Tim Burton en est la parfaite démonstration : comment rendre un cinéma extrêmement intime et sombre accepté du grand public ? En donnant un bout de soi. Et donc un bout de vrai. C’est finalement ce qui nous rapproche le plus de l’universel.

Rétrospective.

Beetlejuice de Tim Burton

© Mission

Dans la poésie narrative de Tim Burton se cache souvent cette interrogation “Qui sont véritablement les monstres de l’histoire ?” . Entre créatures étranges et humains désabusés, Burton semble bien souvent manifester son affect à l’un de ces deux camps. Alors, quand deux fantômes décident de chasser les habitants New-Yorkais venus réhabiliter leur ancien cocon, on sait plutôt dans quel rang nous prendrons les armes. 

Adam et Barbara Maitland décèdent dans un tragico-comique accident de voiture : un coup de volant décide de leur destin : eux, ou ce petit chien mignon du village ? Ni une, ni deux, ils passent alors dans l’autre monde. Dès à présent fantômes, ils s’attendent à vivre une mort paisible jusqu’à ce que de bruyants humains viennent s’installer chez eux. Comment endosser le rôle de fantôme ? Doit-on absolument effrayer les vivants ? N’ayant ni la patience ni les codes, ils décident de faire appel à un fantôme freelance dont les façons de faire sont discutables. Son nom : Beetlejuice. 

La magie d’un film de Tim Burton est de : un constat tragique (la mort dans Beetlejuice, l’isolement avec Edward aux mains d’argent, la maladie avec Big Fish, la différence avec Miss Peregrine, l’usurpation dans Big Eyes…) sublimer par la poésie des décors, l’humour tranchant de l’artiste mis au service de ses gentils-vilains gothique et, surtout une musique qui nous accompagne tout au long de ses oeuvres. Ce film a certes des longueurs scénaristiques mais n’a pas pris une ride grâce à l’intemporalité des décors carton-pâte et les prémisses d’un génie noir teinté d’humour qu’est Burton.   

L’Innocent de Louis Garrel

© Les Films des Tournelles

Un vent de fraîcheur attaque le cinéma français, et cela fait du bien. Louis Garrel nous offre un film humble : le scénario est plutôt simple. Les schémas familiaux exempts de grandes envolées. Mais alors, pourquoi L’Innocent marque-t-il ses spectateurs depuis sa sortie il y a quelques semaines ? 

Car il nous divertit et nous tient, jusqu’à la fin. De l’humour, des rebondissements sympathiques, des humains dans toutes leurs failles, complexité et sensibilité. L’envie d’aimer, d’être aimé. De comprendre, d’être compris. C’est parfois si fragile, un ego, qu’il faudrait tout une vie pour s’en détacher. Ou tout un film. 

Critique complète : https://www.pour-le-dire.fr/?p=4715

Le Crime de l’Orient-Express  de Sidney Lumet 

© Studio Canal Films

Agatha Christie est l’une des autrices ayant vendu le plus de livres dans le monde, non loin derrière un autre livre intemporel… La Bible. Quand on sait cela, difficile de faire l’impasse sur sa plume aiguisée et son goût tendre pour les meurtres raffinés. Ce huis-clos prend donc place dans un train, où un dénommé M. Ratchett est retrouvé mort dans sa cabine, poignardé de 12 coups de couteaux. Pas de doutes, le coupable se trouve à bord…  

Six fois nommé aux Oscars à sa sortie, ce Crime à une saveur toute particulière par la précision rythmée des passages des acteurs emblématiques de leur époque : Albert Finney, Lauren Bacall, Sean Connery, Ingrid Bergman, Anthony Perkins ou encore Jacqueline Bisset. Au fil des interviews de Poirot pour dénicher le coupable, les bouches se pincent, les rires se jaunissent, les regards frémissent. 

Cette dramaturgie particulière, baignée dans le luxe rococo de l’Orient-Express, donne à ce film une délicieuse envie de reviens-y. Pour cet Hercule jeune grimé en vieux belge bidonnant. Pour ces décors intérieur-extérieur, emprisonnant dans la glace nos héros pour écarter toute envie de fuite. Pour ces visages d’époques, dont la jeunesse éternelle frappe encore nos mémoires. Un film noir parfait pour une soirée d’hiver, à combiner avec 8 femmes (F. Ozon, 2022) ou encore À couteaux tirés (R. Johnson, 2019). La soirée “meurtre et huis-clos” peut alors commencer. 

The Big Lebowski des Frères Coen

© PolyGram Film Distribution - Mission

Qu’est ce qui rend un film culte ? Un succès immédiat, ou un succès à retardement ? Étonnamment, c’est plutôt la deuxième option. Il faut parfois attendre des années, voire des décennies, pour qu’un film se voit décerné la mention convoitée de “film culte”. En décalage avec les films de son époque, The Big Lebowski débarque comme un alien dans un paysage cinématographique américain de la fin des 90’s très porté sur les films noirs, thrillers psychologiques et autres films d’action. Fincher, Lynch, Scorsese, Kubrick, Tarantino, pour ne citer qu’eux.

Dans ce septième film de Joel et Ethan Coen, rien de bien sombre, de cruel ou de psychologique. C’est l’histoire d’un homme, Jeff Lebowski, appelé à sa demande “Le Dude », antihéros par excellence. Sa quête première ? Se faire rembourser les frais de pressing de son tapis sur lequel des bandits ont uriné en le confondant avec un autre Jeff Lebowski, richissime homme aux curieuses affaires. Plus ou moins à l’aise avec la violence, mais curieux d’en savoir plus sur cet homonyme, le Dude décide de se frotter à ceux qui en veulent à cet autre Lebowski. 

De ce film, on en retient surtout des répliques cinglantes, des images cultes et une photographie chaude, aux tonalités western comme les frères Coen savent en produire (No Country for Old Men, True Grit…). Si le début peut vous crisper d’hésitations sur le devenir de cette intrigue, les aventures cocasses de cet homme bedonnant, aficionado de bowling et à la nonchalance comique, nous touchent finalement. Car l’antihéros à cette faculté que les vrais héros n’ont pas : être un peu plus proche de nous. 

12 Hommes en colère de Sidney Lumet

© Carlotta Films

La rétrospective de Sidney Lumet a rattrapé plus d’un cinéphile. Réalisateur hors-pair de la fin des années 50 aux années 2000, avec les notables 12 Hommes en colère, Un après-midi de chien, Serpico, Le Crime de l’Orient-Express ou À bout de course, Sidney Lumet excelle dans une écriture et une réalisation pointilleuses. 12 Hommes en colère, ce sont douze personnes convoquées au tribunal pour décider du sort d’un jeune-homme, accusé d’avoir assassiné son père. Ce jury éphémère a quelques heures pour se décider. Une seule condition pour sortir de la pièce dans laquelle ils s’enferment pour débattre : avoir l’unanimité. Le cas semble limpide pour la plupart d’entre eux : jeune homme connu de la police pour de nombreux délits, un père violent, une classe sociale peu aisée. Et des témoins convaincus de ce qu’ils ont vu. Ou entendu. Pourtant, au moment du vote, arrive un trouble-fête : l’un d’eux pense qu’il est innocent. 

À travers cette hypothèse – portée en mantra durant tout le film – “Et si ?” ,   12 Hommes en colère questionne nos certitudes. Et s’il y avait une explication, derrière les apparences qui nous rassurent ? 

La Justice, en la personne d’Henry Fonda, se disperse alors dans la pièce et secoue les opinions bien installées des jurés. Car il y autant de raisons de croire à la culpabilité d’un Homme qu’à son innocence. Si l’on tend l’oreille, et que l’on veut bien se prêter au jeu de l’enquêteur… Une passionnante partie de ping-pong verbal aussi efficace qu’intemporelle.  À voir.

© Pour le dire