Babylon de Damien Chazelle

Dans le berceau d’Hollywood, au début des années 1920, cinq protagonistes tirent leur épingle du jeu. Jack Conrad (Brad Pitt) est l’acteur en vogue du cinéma muet, qui rafle toutes les têtes d’affiche. Manny Torres (Diego Calva) est un passionné de cinéma, rêvant de côtoyer les plus grands grands sur les plateaux de tournage. Nellie LaRoy (Margot Robbie) est convaincue d’être la prochaine vedette de cinéma. Sidney Palmer (Jovan Adepo) est un jazzman talentueux. Et tout ce beau monde est contemplé par la critique Elinor St John (Jean Smart). 

Babylon, l’épopée ironique de cinq personnages 

3h ça peut être très court comme terriblement long. 3h peuvent nous enivrer, nous questionner, nous surprendre, comme elles peuvent nous faire bailler, nous irriter, nous faire attendre. Car c’est le sentiment que l’on a, tout au long de ces 3h de Babylon – ou disons 2h30, car la première demi-heure est tellement épileptique qu’elle ne nous laisse pas le temps de saisir si nous apprécions ce qui défile à l’écran ou si nous sommes pris en otage  – de l’émérite Damien Chazelle. Le réalisateur confirme ici son talent de mise en scène et son inaptitude à écrire des personnages que l’on comprend. Ces trois heures de pellicules semblent alors se muer en un long tunnel dans lequel on s’immisce, heureux béats. Puis la route semble longue, nous somme à mi-parcours, impossible de faire demi-tour. 

Si certains sont attachants dans leur candeur et leur fidélité à ce qu’ils sont, ou ont été – on pense notamment à Jack ou à Nellie – ils semblent toutefois bloqués à leur simple condition. Leur arc narratif stagne, et ce qui nous prête à sourire au début tend alors vite à nous irriter. Leurs particularités, leurs défauts, deviennent leur seul trait de personnalité. Seuls le musicien Sidney et la critique Elinor évoluent, en décidant de jouer les codes d’un Hollywood superficiel mais prometteur; ou en les refusant, pour renaître ailleurs et autrement. Peut-être aussi parce que la lumière n’est pas l’unique chose qu’ils convoitent.

Une gloire à un Hollywood en pleine mutation

Ce qu’on ne peut enlever à Damien Chazelle, c’est sa capacité à user de références et de codes cinématographiques pour accoucher d’une œuvre travaillée, plan par plan, note par note. Seulement la frontière est fine entre une trivialité sublimée et une image grossière, clichée. 

Dans Babylon, Chazelle s’amuse à grossir le trait d’un Hollywood obscène, où se côtoient : partouze, urine, vomit, crachats, déjections, overdoses et sueurs… Jusqu’à nous confondre dans un univers moite, malaisant, suffocant. Tobey Maguire est recyclé d’un Gatsby affriolant à qui Chazelle semblerait avoir aspiré l’essence et les couleurs. Il n’est plus qu’un sbire habité par la folie noire, offrant plus de moqueries de notre part que de réel intérêt. Et cette deuxième partie de film n’est pas exempte d’autres recyclages, comme la BO de Lalaland jouée si longtemps qu’elle n’en devient plus un clin d’œil, une référence, mais l’intérimaire d’une playlist jazz épuisée. 

 « La vie est une fête » , comme s’amuse à répéter Nelly. Celle de Chazelle est crue, insensée, triviale. On aurait pu passer un bon moment, mais on passe à côté. Dommage. 

Du même réalisateur : Critique de Lalaland

© Pour le dire

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