Antigone de Lucie Berelowitsch, de Sophocle à la révolte Ukrainienne

Qu’est-ce que la liberté, quand tout est rompu ? Quand il ne reste que des cendres, des âmes en peine ou corrompues ? Que la ville est à sang, que les talons tapent fort contre les pavés et que malgré tout, rien n’y fait. Ni notre voix, ni même notre statut, n’atteignent les hauts décisionnaires ? Il y a toujours le choix de partir. Au nom de la liberté. Et de renaître, dans d’autres pensées. Ecrits. Ou êtres. 

La liberté d’Antigone est finalement de renaître à chaque pièce, à chaque plume de metteur en scène ou metteuse en scène. Et de cogner les rêves et le quotidien des vivants à ceux d’une jeune femme libre, qui a laissé derrière elle des combats intemporels. 

Une mise en scène pluridisciplinaire par Lucie Berelowitsch

Antigone a été créée en 2015 à Kyiv, par une équipe franco-ukrainienne. Elle résonne à cette époque avec la guerre russo-ukrainienne dans le Donbass, qui débute en février 2014. Face à ces textes millénaires de Sophocle résonnent pourtant encore les questions sur l’essence de l’Homme. Lucie Berelowitsch travaille avec plusieurs langues, plusieurs arts, et donc plusieurs langages. La musique et les corps s’activent autour des lignes d’Antigone face à un Roi antipathique du nom de Créon. 

Les Dakh Daughters © Adeline Keil

Faire raisonner des textes écrits il y a 1500 ans, c’est le défi de ce projet artistique mené de front par la troupe de comédiens ukréniens. Pour cela, l’humour et la présence d’un groupe théâtral et musical appelé Les Dakh Daughters. Telles les Muses d’Hercules dans le célèbre conte de Disney, elles commentent et accompagnent le récit avec une touche de cynisme et d’allégresse. Hadès, Dieu des enfers, est par ailleurs mentionné dans la pièce. Leur chants celtiques et leurs costumes de cabaret punk donnent corps à des passages parfois complexes, dans une langue que l’on ne maîtrise pas. 

La légèreté est bienvenue car le thème et la scène sont chargés. Au centre, le sang. Et à chaque personnage de le contourner ou de le piétiner selon son dessein et ses enjeux. La scène est pareille à un jeu d’échecs où la partie se joue à coups fatals. En arrière scène se tiennent des portes, comme des entrailles où se cache la vérité crue. Le spectateur peut entrevoir les méfaits, sans jamais parvenir à les nommer ni les comprendre. Dans cette partie, Roi et Reine jouent leur vie. La scène de théâtre devient alors presque un film, où la bataille et les tonalités d’orange et de rouge remplissent l’écran. Le feu s’installe. Et la lutte se termine. Vraiment ? 

Une coréalisation Théâtre du Point du Jour et Théâtre de la Croix-Rousse.

Photographies : © Adeline Keil

© Pour le dire