Omar la fraise d’Elias Belkeddar

Film présenté en Séance de Minuit au Festival de Cannes 2023

Exilé en Algérie après de nombreux délits en France, Omar (Reda Kateb) tente l’aventure honnête et la réconciliation avec un pays qu’il ne connaissait que de loin. Accompagné de son ami de toujours, Roger (Benoît Magimel), ils reconstruisent ensemble un quotidien fait de vadrouilles, de sorties en club, de délits finement orchestrés. Dans une immense villa aussi vide de meubles que de gens, ils tuent alors le temps comme ils le peuvent. Le soleil âpre d’Algérie miroite au-dessus des têtes de nos deux voyous en exil, comme une mère réconciliatrice ou un vautour attendant la suite. 

Une comédie noire lumineuse 

Omar la fraise est un long-métrage surprenant de sensibilité. En suivant le duo de ces deux voyous aux codes désuets, nous sommes en empathie immédiate pour leur presque candeur et leur envie de s’élever. L’un, Omar, est convaincu qu’il peut travailler, regagner sa place, même si cela exige quelques petits méfaits, et l’autre, Roger, semble apprécier la vie locale par l’apprentissage de la langue et des coutumes. Chacun prend soin de l’autre, l’accompagne, l’écoute. Le comprend dans son entièreté. La caméra d’Elias Belkeddar ne juge pas, alors qu’elle a maintes occasions de nous donner les battons pour cogner ces deux antihéros. Car elle ne juge pas et ne prend parti, on en fait de même et on en vient à suivre cette balade presque poétique dans une Algérie parasitée par la délinquance. 

Le parti pris du réalisateur de traverser le quotidien des voyous – particulièrement jeunes pour certains – est exempt de de bons sentiments, ou de misérabilisme pompeux. Leurs histoires sont brièvement traversées et élèvent notre regard, compromettent nos opinions. On trouve alors dans la violence quelques bribes de beau, comme la loyauté, l’entraide, et la capacité à vivre sans accuser ou inventer des bourreaux. 

La révélation Meriem Amiar

Dans ce nouveau terrain de jeu pour Omar et Roger se trouve Samia, jouée par l’excellente Meriem Amiar. De son histoire, on comprend la difficulté d’accéder à l’indépendance et la force quotidienne requise pour conserver ce statut. Son personnage est une réponse à la galanterie dépassée et soupirante d’Omar, mais aussi à tout une partie d’hommes qui croient encore aujourd’hui qu’il y a un sauveur et un.e sauvé.e. Face à cette force de caractère, Omar se désencombre peu à peu de ses a priori et de ses apparats clinquants et se présente tel qu’il est. Esquinté, fatigué, moins chatoyant. Mais criant de vérité. 

Un autre bon point est la force de ce nouveau trio où les envies sont latentes et les amitiés sincères. Elias Belkeddar marque le très bon point de ne pas montrer plus que deux personnes qui commencent à se comprendre. La suite est une porte ouverte que l’on se plaira à franchir, portés par notre unique imagination. 

Omar la fraise

En conclusion, ce film est une surprise de sincérité, de poésie et de pudeur. On peut ne pas être particulièrement touché par ces bribes de vies relativement éloignées de nous, mais pour ma part j’ai eu plaisir à marcher aux côtés de ces joyeux compères épicuriens, un brin naïfs. Un plaisir de retrouver également une mixité dans l’équipe du tournage, avec des noms à la fois algériens et français au générique. Une aventure colorée et sympathique. À voir. 


Photographies : © Iconoclast, Chi-Fou-Mi Productions, Studiocanal, France 2 Cinéma
© Pour le dire