La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert

Marcus Goldman, écrivain mondain de la jeune génération, retourne voir son vieil ami et ancien professeur d’université Harry Quebert, lui-même écrivain. Marcus souffre de la maladie des écrivains, qui est de ne plus trouver l’inspiration pour écrire son second livre, après le succès fulgurant du premier. Son mentor et fidèle ami Harry lui offre de quoi se reposer le temps qu’il le souhaite, dans une résidence paisible, coincée entre les forêts et les bords de mer d’Aurora, petite ville du New Hamphsire. Nous sommes en 2008. La quiétude ne durera pas.
Marcus apprend qu’Harry a entretenu une relation avec la jeune Nola Kellergan en 1975, respectivement âgés de 34 ans et… 15 ans. Marcus, secoué, se met à écouter les récits de son ami. C’est une histoire d’amour d’une beauté pure et éternelle. Et c’est leur histoire qu’Harry écrit dans le roman de sa carrière Les Origines du Mal. Mais peu de temps après, l’Amérique se met en ébullition face à un fait divers glaçant : on a retrouvé le squelette d’une jeune fille, disparue il y a trente-trois ans, dont le dossier avait été bouclé. Il s’agit de Nola.
J’ai lu La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert comme on suit une bonne série. On la découvre, puis on la délaisse un peu, le temps que l’histoire refasse surface dans notre esprit, et on ne la quitte plus. Les centaines de pages se dévorent, l’histoire s’immisce dans notre quotidien. Ce livre porte des personnages que l’on pourrait croiser au détour d’une rue de notre quartier, tant leur description est lisse et à la fois complexe. Ce sont ces personnages que Marcus va interroger, ratissant leurs souvenirs pour comprendre ce qu’il s’est réellement passé l’été de l’année 1975. Qui était Nola Kellergan ? Pourquoi Harry ne lui avait-il jamais parlé d’elle auparavant ? Et pourquoi son corps a-t-il été retrouvé aux abords de sa maison ?
Nous remontons le passé pour plonger en 1975, frénétiques devant l’histoire haletante entre un écrivain en devenir et celle qui deviendra sa jeune muse et lui inspirera son plus beau chef d’oeuvre. Le temps du bonheur d’Harry et de Nola, mais aussi le temps du drame.
Si l’épaisseur du livre induit la complexité de l’enquête qui s’en suivra, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est surtout un roman qui aborde les thèmes simples de l’amour et de l’amitié. L’amour incendiaire qui pousse les Hommes de Lettres à tapoter sur un clavier, submergés d’images et de nouveaux mots. L’amour qui va au delà des présupposés, qui montre qu’il n’y a pas une « vérité » mais parfois plusieurs. Et l’amour volé de deux êtres que la moralité oppose, dans une Amérique conservatrice et intransigeante. La ville d’Aurora se lie par ce sentiment fort qui va au delà de la résolution de cette enquête : leur ville, leur ambition, le souvenir d’une amitié, la vérité, Marcus Goldman, Harry Quebert.
Joel Dicker saisit les instants décisifs de la vie en y mêlant une plume nostalgique et avisée. Son regard unique posé sans jugements sur des gens simples d’une Amérique profonde balaie les vies des habitants pour nous permettre de les connaître, les comprendre, les disculper comme les soupçonner. L’écrivain décrit en eux la beauté de l’authenticité, qui pousse au meilleur comme au pire. Ils sont le reflet de la liaison d’Harry et de Nola : difficile à saisir mais profondément émouvants. À lire.
© Pour le dire