Margot au théatre des Célestins

Paris à feu et à sang. C’est dans ce spectacle macabre que Margot nous parle, elle, l’enfant du trône qui n’a que pour arme ses propres mots. Elle que l’on a placé là, que l’on a raillé, cent fois. Dont on dit qu’elle est frivole, dont on parle sans rien savoir. Silencieuse jusqu’au deuxième acte, Margot assiste au massacre des protestants dans les rues et de certains membres de sa famille, et amis, dans sa propre Cour. Elle ne dirige pas la France mais la connait bien, et sait tout le mal que ses dirigeants, fous et obscènes, lui inflige. La pièce mise en scène par Laurent Brethome sonne un mi-parcours de saison totalement réussi. La pièce retrace le texte de Christopher Marlow dans Massacres à Paris mais se permet plusieurs écarts humoristiques, allégeant le contexte menaçant dans laquelle évoluent les personnages.
L’humour est donc l’une des composantes majeures de la pièce. Dosé à bon escient pour faire corps avec les situations et le ton parfois grotesques, il sert également de liant dans un spectacle d’une durée de 2h50. Ainsi, le spectateur jouit de la finesse du langage, notamment dans le monologue de Margot en ouverture du deuxième acte, tout en étant titillé par du tragi-comique à répétition.
Entre anachronismes flagrants, du choix des costumes avec les sous-fifres du Roi habillés de bonnets, parkas et autres sweat à capuche, rappelant le Romeo + Juliette mafieux de  Baz Luhrmann, au désir de faire apparaître autour de Roi des personnages aux professions singulières pour l’époque – un Chimiste, qui se verra tenu du rôle d’empoisonneur et de médecin tout au long de la pièce -. Il n’est de là pas dissonant d’y rencontrer un Homme d’Eglise fumant une cigarette ou de croiser une belle-mère à forte carrure, mais surtout barbue, sur un plateau qui ne cesse de voir grandir la folie de ses héros.
Margot ne s’enferme donc pas dans le tragique du Massacre de la Saint-Barthélémy et ose l’irrévérencieux, le burlesque, avec une mise en scène sensible. Les murs s’ouvrent et se confinent au gré des scènes, ouvrant l’œil du spectateur sur certains personnages ou lui offrant des scènes tonitruantes. Ainsi, la scène du Massacre est une métaphore au nombre de morts gisant dans les rues par des lancées à tout va de chaussures, de gauche, de droite, et même du ciel. Aucun répit, pendant plusieurs minutes. Des hommes pillés, des femmes battues, porté par une musique forte et puissante. La mise en scène oscille donc entre la pureté, la symbolique, et une certaine forme de trivialité. L’enchaînement de corps nus mis à sang et se cogne à l’excentricité du Roi, à l’ostentatoire et à la dérision.
Margot se dévore, se regarde et s’écoute. Pris dans la braise qui consume toute la Cour du Roi, nous découvrons tours à tours de portraits forts des personnages. Margot apparaît en femme forte,d’autres en cyniques désabusés. Elle « avance vers nous depuis sa nuit » et confirme que personne ne sort indemne de sa cruauté.
Margot, au Théâtre des Célestins, 4 Rue Charles Dullin, 69002 Lyon – Janvier 2018
Mise en scène de Laurent Berthome