J’ai trop d’amis de David Lescot et la Compagnie du Kaïros

En être ou ne pas en être, telle est la question quand on a 11 ans. J’ai trop d’amis suit la rentrée des classes de plusieurs élèves, dont un garçon que l’on va suivre de ses premiers étonnements, au rodage des nouveaux codes régis par… Les plus grands ? Pas vraiment. En fait, c’est un peu une première pour la plupart des enfants. 

De l’innocence à l’autonomie

C’est la rentrée des classes ! Mais pas n’importe laquelle… C’est la rentrée en 6e. Celle où l’on quitte l’enfance et les jeux de récréation pour le sérieux des grands établissements. On est alors propulsé dans un monde régi par de nouvelles règles, tacites pour la plupart. Être populaire, avoir un copain ou une copine, avoir un smartphone, connaître le dernier chanteur à la mode. Et puis, c’est aussi le début des responsabilités. Un agenda, plusieurs professeurs, des papiers à remplir… Bref, ce nouveau monde semble beaucoup plus austère et mystérieux que celui d’avant.

Nous suivons donc un jeune garçon qui fait sa rentrée. Dans ses yeux ébahis et pourtant avisés, on redécouvre nos sensations de perdition lorsque nous avions franchi ces nouvelles grilles. Outre la nécessité de grandir, le passage au collège nous contraint à une nouvelle attitude, même dans son propre chez soi. On est plus le petit dernier qui peut se plaindre et que l’on doit écouter. Non, on est un grand, maintenant. Et on doit tenir tête à la nouveauté, affronter les difficultés du quotidien. Tout cela est bien déroutant, quand on a pas 12 ans. 

L’ingéniosité de la mise en scène 

Publié chez Actes Sud, J’ai trop d’amis est d’abord un livre de David Lescot débordant d’humour et d’empathie. Sa plume se marie ici parfaitement au travail scénique avec une caisse de bois aux nombreuses ficelles… Aussitôt bureau, banc, cours d’école, le décor se déploie, s’actionne, s’entrouve, comme une immense malle à surprises de laquelle nous pourrions faire sortir des gens, des décors, et des choses féeriques.  Les trois comédiennes, qui changent de rôle en un claquement de doigts, apparaissent et disparaissent des scénettes avec humour et habileté. Durant 45 minutes, on passe de la cour d’école, à la salle de classe, au salon de notre copain, en quelques ficelles tirées sur un décor minimaliste. 

Si toutes ces scènes sont crédibles, c’est assurément grâce au jeu des trois comédiennes sur le plateau qui dosent parfaitement l’humour avec le sérieux. La droiture de l’enfant sage, les élans de spontanéité que vivent les enfants de cet âge, tout est cohérent et parfaitement interprété. On revoit alors, dans nos yeux d’adultes, cette période bien précise où nous jouissions encore d’une liberté folle tout en goutant à nos premiers conflits intérieurs.

“J’ai toujours été frappé par le sérieux de l’enfance. Pour moi, l’enfant est quelqu’un de sérieux, de déterminé, qui très tôt se bâtit des convictions, produit des analyses, et se bat pour les faire reconnaître.”

David Lescot 

De la rentrée aux premières vacances de la Toussaint, c’est tout un univers que va traverser notre héros. Un océan de nouveautés en six semaines seulement. Et de cette épreuve, on en ressort assurément  plus grand.

Texte et mise en scène David Lescot Spectacle à partir de 7 ans
© Pour le dire
Photographies © Christophe Raynaud de Lage