Rencontre avec le réalisateur Olivier Casas et Michel de Robert pour Frères

Michel et Patrice ont 5 et 7 ans. Leur mère les met en pension tout un été et, à la fin de leur séjour, elle ne revient pas. Persuadés qu’ils resteront seulement quelques jours de plus en pension, gardés par les propriétaires des lieux, ils s’accommodent de leur situation. Mais alors que les semaines passent, ils décident de partir. Leur refuge : la forêt. Ils y resteront sept ans. 

Rencontre avec Michel de Robert, l’un de ces deux frères, et du réalisateur Olivier Casas, qui a fait de cette histoire vraie une œuvre de cinéma. Sortie en salles le 24 avril 2024.

Olivier Casas, Michel de Robert, racontez-nous comment a démarré cette aventure ?

Olivier Casas : On démarrait nos journées tous ensemble, avec des profils très différents au sein de notre groupe. Pour moi c’était Michel de Robert, architecte élégant, belle montre au poignet. Un week-end, nous sommes partis tous ensemble en Ardèche et j’ai alors aperçu Michel tailler un bout de bois comme un gars de la forêt. Je me suis approché de lui et lui ai demandé s’il avait pas quelque chose à me raconter. Il m’a sourit, et m’a répondu “J’ai eu une enfance un peu particulière”. Ça a démarré comme ça.

Michel de Robert : Ce jour-là, j’ai commencé à raconter à Olivier qui était bouleversé par tout ça. 48h après, rentrés sur Paris, il m’a demandé si on pouvait en reparler. De mon côté, c’était assez bouleversant de remuer tout ça. Olivier m’a donc dit “Écoute, je passe à ton bureau, on parle une demie-heure, si c’est trop difficile on s’arrête là.” Et finalement, la discussion a duré 5 ans. 

Vous aviez en tête tout de suite de construire un film autour de cette histoire ? 

Michel de Robert : Olivier a eu assez vite en tête de faire un film. Il fallait donc aller assez loin dans le détail, pour faire ressentir les choses essentielles au spectateur. Il a fallu du temps, que tout ça mature. 

Votre secret, cette confession faite à Olivier, n’était-elle pas trop difficile à voir projeter sur grand écran ?

Michel de Robert : J’ai positivé ça en me disant que ce sera un hommage à Patrice (NDLR : frère de Michel de Robert). Ce sera peut-être aussi un sujet qui fera réfléchir le spectateur. On va chercher d’autres sujets, comme les enfants perdus, les enfants de la guerre. Peu de gens s’y intéressent et connaissent ce sujet, alors que tous les pays touchés par la guerre ont eu ou ont toujours des enfants perdus.

Olivier Casas : Ce qui m’a le plus foudroyé, au-delà de ces sept années passées en forêt, c’était l’amour qui les unissait. C’est ce qui m’a encore plus surpris que leur survie. J’étais jeune papa à l’époque et j’étais dans cette phase où l’on se surprend à aimer autant un être, et j’avais l’impression qu’il me décrivait quelque chose bien au-dessus. Ils avaient inventé un infini encore plus grand que l’amour que l’on porte à son enfant. D’ailleurs, j’ai changé le titre du film au cours du tournage, qui a démarré avec le titre “Les enfants de la forêt” pour devenir in fine “Frères”. C’était le plus important, finalement. 

Michel de Robert : Il faut que vous compreniez que nous avons été les enfants les plus heureux du monde. On courait dans les champs, on s’amusait dans les rivières, on chassait, on cueillait. On était dans la campagne française, qui est extrêmement riche. C’était notre chance. Très vite, la nature devient notre maison, voire notre protection. On apprend à se nourrir, avec de la viande, avec des plantes, particulièrement des feuilles de ronces et des orties. 

Comment construire un récit qui permette à la fois de retranscrire la richesse de cette enfance et la vie de Michel et Fabrice dans leur vie d’adulte, avec les très bons comédiens Yvan Attal et Mathieu Kassovitz ? 

Olivier Casas : Quand j’ai découvert l’histoire de Michel, j’ai senti que ce récit était encore extrêmement vivant. Il a 70 ans mais je sentais, dans la bouche de Michel, que tout était encore très frais. C’était comme un rebond permanent entre cette enfance et l’existence actuelle de Michel. J’ai construit le scénario en me disant que chaque ligne, enfance et vie d’adulte, se nourrissent l’une et l’autre en permanence. 

Michel de Robert : Les glissements d’une période sur l’autre se font assez naturellement. J’ai constaté cela en découvrant le film. Olivier m’a d’ailleurs questionné, avant qu’il ne sorte. Il m’a dit que tout était prêt à être diffusé, que l’histoire allait désormais être publique. Je lui ai répondu que notre amitié dépasserait cela. En tant que jeune réalisateur, avec son talent, j’avais une totale confiance en lui. J’ai eu l’occasion de découvrir le film en salles et cela a confirmé mes croyances.

Merci aux équipes de Pathé et UGC Lyon
Photographies du film © Zinc
Interview © Pour le dire / Clara Passeron