Rencontre avec Florent Bernard, Adrien Ménielle et Jérome Niel pour Nous les Leroy

Florent Bernard, connu sous le pseudonyme de Flober dans le milieu d’internet et du court, a réalisé son premier long-métrage : Nous, les Leroy. Une aventure longue durée qui réunit sa famille de toujours : Adrien Ménielle, Jerome Niel, Sebastien Chassagne, Simon Astier, Vincent Tirel, Justine Le Pottier, Sophie-Marie Larrouy… Et sa famille, tout court, avec son frère Théo Bernard à la musique. 

Les Leroy, c’est une famille qui s’aime surtout par l’humour. José Garcia et Charlotte Gainsbourg incarnent les deux socles de la famille Leroy, liés par une forte complicité depuis toujours. Mais les années, les métiers de chacun, et deux adolescents plus tard, la candeur des premiers échanges s’est étiolée. Un week-end en famille improvisé pourrait tout raviver. Peut-on rattraper ce qui s’est usé en 48h ? Est-ce que toute la bonne volonté du monde est suffisante pour tenir ensemble une famille ? Surtout si l’on considère chacun de ses membres : une somme d’individualités avec ses conflits, ses combats, ses décisions. 

Rencontre avec le réalisateur Florent Bernard et les comédiens Adrien Ménielle et Jérôme Niel

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Pour le dire : Florent Bernard, vous écrivez et réalisez depuis plusieurs années pour des chaînes Youtube d’abord (Studio Bagel, Golden Moustache, Les Suricates…) puis par la suite pour des formats courts sur Canal + (La flamme, le Flambeau, Bloqué…). Comment s’est passé ce grand écart entre formats courts pour petits écrans à format long pour grand écran ?

Florent Bernard : C’est là que la place d’Adrien Ménielle, de Jérôme Niel, avait toute son importance dans le projet. Ils viennent du même milieu que moi, internet, puis Canal +, et on a toujours su conserver une liberté de ton et d’écriture quels que soient le format et la plateforme. Évidemment, il y a une pression supplémentaire du fait que le format soit plus long, que l’on travaille avec des comédiens que l’on connaît moins. On a fait des lectures avec chaque comédien et comédienne, on a testé les scènes en conditions réelles pour affiner si besoin l’écriture, réarranger certaines scènes si on se rendait compte qu’il y avait des longueurs, des incohérences… Mais c’est aussi ce que l’on faisait de l’époque de Studio Bagel, par exemple.

Pourquoi le sujet de la famille comme premier sujet de long-métrage ?

F.B : Je me suis rendu compte que j’aimais bien parler du groupe. Dans les trois films auxquels j’ai participé, Jack Mimoun de Malik Bentalha, Vermines de Sébastien Vaniček, et celui-ci, tous parlent du groupe qui doit s’adapter face à des situations hautes en couleurs. Pourtant, on ne peut pas faire plus différent que ces trois films ! Mais on retrouve cette idée de “famille”, pas forcément de sang, mais qui affronte ensemble des épreuves et doit s’en sortir en dialoguant. 

“J’ai réécrit le scénario en fonction de Charlotte Gainsbourg, en l’imaginant vraiment jouer ce rôle. Et c’est grâce à ça qu’elle a dit oui.” 

Florent Bernard

Dans les “nouveaux”, on compte pas moins que Charlotte Gainsbourg, en mère Leroy, et José Garcia, en père Leroy. Pourquoi avoir pensé à eux pour incarner les deux figures fortes de votre premier film ?

F.B : Pour Charlotte Gainsbourg, c’est une assez belle anecdote. Pendant l’écriture, je disais à mes producteurs “il nous faudrait une comédienne dans le style de Charlotte Gainsbourg”. Pour moi, elle était tout simplement inaccessible. Mais plusieurs facteurs ont permis de lier Charlotte Gainsbourg au projet. Déjà, ça faisait un certain temps qu’elle n’avait pas fait de comédies et elle avait exprimé l’envie de retourner à ce genre. Les producteurs du film, Nolita, avaient aussi produit son documentaire sur sa mère “Jane par Charlotte”. Cela a pu nous mettre en contact. Seulement, quand je lui ai présenté le rôle… Elle ne l’a pas tout de suite aimé. J’ai donc réécrit le scénario en faisant pivoter la famille Leroy autour d’elle. Ce qui faisait finalement sens : après tout, c’est par sa décision de partir que le film commence. Je m’étais mis en tête qu le père, José Garcia, était celui qui lançait l’aventure. C’était donc un meilleur choix que de faire démarrer l’aventure par son prisme à elle. Cela a aussi permis au personnage de la mère de se déployer davantage, de gagner en sincérité, en nuance. Et c’est aussi grâce à ça que Charlotte a accepté.
Pour le choix de José Garcia, c’était également un rôle composé pour lui, dès l’écriture. Mais au début de l’aventure, il n’était pas disponible pour des questions d’emploi du temps. On a cherché un autre acteur, qui a dit oui, puis est finalement sorti du projet. Puis un autre, avec qui ça n’a pas aboutit non plus. Le temps a passé, le covid est arrivé… Deux années se sont écoulées et j’ai tenté de reproposer le rôle à José. J’ai appris qu’il n’avait pas lu le scénario à l’époque, comme il savait qu’il ne serait pas disponible. Il l’a reçu un matin, et le jour-même, à 15h, je recevais un appel de sa part qui disait qu’il était très motivé. 

Comment écrire une comédie française sans tomber dans les clichés que peuvent se prêter à ce genre ? 

F.B : J’avais besoin de personnages ancrés dans le réel pour créer une comédie avec différentes nuances. J’avais à cœur de créer des personnages plutôt normaux, qui se retrouvent face à des situations rocambolesques. Déjà, je voulais que chaque membre qui compose cette famille ait sa propre intrigue. Pour moi, la famille est avant tout une somme d’unité. C’est d’ailleurs le point de départ du conflit de cette troupe : chacun considère la famille comme un groupe et ne se préoccupe pas vraiment des problèmes de chaque membre.  

“ Pour moi, la famille est avant tout une somme d’unité. Il était important que chacun ait son intrigue, des choses à régler.” 

Florent Bernard

Et comment intégrer, dans ce scénario, vos comédiens “de coeur”, avec qui vous aimez tourner depuis les tout débuts ? 

F.B : Il y a plein de comédiens et comédiennes avec qui j’avais envie de tourner, en l’occurrence Adrien et Jérôme. Ce sont des personnes que je trouve très drôles, qui ont leur clown. Surtout, ils savent quoi faire pour me faire marrer et aller là où je veux qu’ils aillent. Comme le film s’inspire des codes du roadtrip, je trouvais ça bien que la famille se heurte à des personnages à des endroits précis. Par exemple, la première étape du voyage est la visite de leur tout premier appartement, et dans l’écriture je savais qu’ils allaient le retrouver totalement défiguré, changé par les années et les différents locataires qui l’ont habité. Donc j’ai intégré une première rencontre avec un personnage écrit pour l’un des comédiens que j’imaginais le plus propice à faire ce rôle. J’imaginais un mec violent, frustré, énervé car son père s’est barré du jour au lendemain – aussi pour faire écho à l’intrigue du personnage de Charlotte, qui veut aussi partir – donc j’ai pensé à Jérôme. Pareil, pour la scène du restaurant, où le serveur enchaîne les boulettes et crée du malaise, j’ai pensé à Adrien. Donc chaque second rôle avait sa place, selon la situation et leur force à interpréter tel ou tel personnage.

Et de votre point de vue, Adrien Ménielle et Jérôme Niel, avez-vous découvert d’autres facettes de Florent Bernard malgré toutes les années et projets menés ensemble ? 

Adrien Ménielle : Contrairement à Charlotte Gainsbourg et José Garcia, nous étions moins dans cette découverte parce que nous connaissons le talent de réalisateur de Florent. J’ai surtout pu constater qu’il était aussi à l’aise sur un plateau de cinéma à diriger de grands acteurs qu’il y a dix ans quand il nous dirigeait nous, alors qu’on avait jamais fait de théâtre. Pour moi, c’était une évidence que le cinéma était ce à quoi il serait destiné. 

Jérôme Niel : Comme Adrien, je n’avais aucun doute sur le talent de Florent comme réalisateur et scénariste. Je savais qu’il allait m’offrir un rôle que j’allais pouvoir défendre et qu’on allait pouvoir réécrire si besoin. Puis c’était un énorme kiff de pouvoir donner la réplique à deux grands comédiens que sont Charlotte Gainsbourg et José Garcia qui ont bercé mon adolescence. Mais ça m’a fait quand même quelque chose quand j’ai découvert le film au cinéma, je me suis dit “ah ouais !”, ça m’a fait un truc dans le bide. J’ai réalisé, je pense, à ce moment-là qu’on était passé au niveau supérieur. J’étais très, très content pour lui. 

Florent Bernard : c’est vrai que le fait d’être entouré de gens que je connais, de pouvoir faire des vannes, d’être immédiatement compris même quand je ne dis pas grand chose et qu’ils voient sur mon visage quand on prise est bonne ou non, cela donne un tel confort sur un plateau. C’était aussi un avantage pour un tout premier film. 

Quelles ont été vos inspirations pour créer ces situations et ces personnages bien particuliers ?

F.B : Comme c’est mon premier film, je tenais vraiment à créer des personnages crédibles, que la démarche soit la plus sincère possible. Pour ça, il fallait que je parle de ce que je connais : à savoir ce que j’ai pu voir dans ma propre famille. La mère qui s’occupe de la famille, gère une grosse charge mentale, à ce besoin d’affection, c’est des choses que j’ai pu constater dans ma propre enfance et adolescence. En José Garcia, j’ai mis pas mal de ce que je suis aussi dans ma propre vie de famille avec le côté clown, le mec qui veut tout le temps que ce soit Hollywood, ce sont aussi mes mauvais côté que j’ai infusé dans le personnage du père.

De même pour les décors du film ?

F.B : Bien sûr ! J’ai grandi en Bourgogne et dès tout petit j’ai toujours eu une fascination pour les grandes zones commerçantes, les fast food de bord d’autoroute avec leur Drive. Pour moi, ce sont des décors incroyables de cinéma. Ils sont peu représentés, à part dans les films de genre, souvent sociaux. Je voulais présenter ces décors avec le prisme de ma culture, plutôt américaine-anglosaxone, avec un côté plus farwest. Tout est en longueur, sur des distances énormes, avec très peu de hauteur. Même si on filme en scope, on voit toujours du ciel. 

Le constat de ce film est peut être que l’humour et la complicité peuvent ne jamais s’user, tandis que le sentiment amoureux, lui, peut s’étioler.
F.B : Tout à fait. C’est un sentiment que je partage et c’est pour ça que je voulais que le dernier échange du film soit une vanne. Je voulais que la scène d’adieux ressemble à une scène de gamins, d’ados. Ces deux parents sont finalement un peu comme des ados, dans leur pudeur, dans leur difficulté à gérer leurs émotions. Pour moi, la conclusion n’était pas de blâmer qui que ce soit dans le couple, c’était de montrer leur évolution respective. Ne plus aimer, c’est finalement la meilleure raison pour arrêter.

Merci aux équipes de Pathé Lyon pour l’organisation de cette rencontre et à Florent Bernard, Jérôme Niel et Adrien Ménielle pour cet échange malgré la grande course dans toute la France de ce mois de mars 2024. 
Photographies du film © François Dourlen – 2024 Nolita Cinema
Interview © Pour le dire / Clara Passeron