Fucking Eternity de Johanny Bert

Qu’est-ce qu’un ange nous dirait, s’il pouvait entrer en contact avec nous, les humains ? Lui qui a traversé les siècles, les millénaires, de quoi aurait-il besoin ? Apprécie-t-on seulement l’éternité lorsqu’on y est condamné ? Johanny Bert (La nouvelle Ronde, Hen…) tient fidélité au Théâtre de la Croix-Rousse pour nous présenter sa nouvelle œuvre : Fucking Eternity. Une ange, un brin cynique, peut-être même déchu, tombe sur scène et nous prie de bien vouloir le croire : il en est un. Quelle sera la suite de son histoire ?

Conversation avec un ange 

Johanny Bert incarne un ange paré d’une coiffe étonnante et de joyaux étincelants, mais il n’en est pas moins bavard. Content de dialoguer avec nous, les “éphémères” comme il s’amuse à nous appeler, il nous compte alors ses récits de voyages où il a tour à tour croisé le chemin de personnages célèbres en s’invitant à leur table à au fil d’une discussion. L’exercice est étonnant car il mêle un spectacle d’humour et comédie musicale. Tout en chantant les déboires d’un ange piégé dans son éternité, Johanny Bert ouvre la réflexion de notre condition sur terre. “C’est pour pouvoir montrer les humains que j’ai inventé les anges” s’exprime Johanny Bert en citant le réalisateur et auteur Serge Daney.

À la croisée des Arts

Johanny Bert confirme qu’il aime s’entourer de nombreux artistes, au service de leurs Arts. Sont alors conviés sur le plateau les musiciens Marion Lhoutellier au violon, Guillaume Bongiraud au violoncelle et Cyrille Froger aux percussions. Des musiciens acteurs, joueurs, observateurs. Sont-ils, tout comme l’ange, les porteurs d’un message immortel ? La musique, bien après le spectacle, résonne encore dans notre imaginaire. Parfois plus que les mots. Réactionnaires dociles, les musiciens suivent la partition du metteur en scène en piquant les mots là où il faut , et ajoutant du grave à la mélancolie et des envolées à l’espoir.

Fucking Eternity

Le metteur en scène Johanny Bert propose donc une œuvre audacieuse dans son sujet et dans sa sensibilité. Si on ne peut, ici, détacher l’œuvre de l’artiste, difficile alors de critiquer l’un sans toucher intimement l’autre. Toutefois, s’il y a des interrogations à porter, cela serait sur la finalité du message. On assiste à un ange désoeuvré, à la fois las de sa situation, moqueur de notre inconstance, mais ambigu sur ses intentions. L’après n’existe pas, éructe-t-il en plein milieu du spectacle. Nous sommes alors ballotés dans un sentiment étrange de fin de spectacle point final avait été posé et que tout le reste n’étaient que points de suspensions. Malgré une certaine longueur ressentie sur la fin, le décor, les costumes et la délicatesse des transitions créent un moment suspendu. Entre rêve et réalité. Tout ce moment a-t-il seulement existé ? 

© Pour le dire
Photographies © Christophe Raynaud de Lage