J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin

Dans les rues de Paris, un étrange phénomène se produit dans un laboratoire. Disposée dans un espace réfrigérant et confinée dans un sachet plastique hermétique, une main prend vie. Ou plutôt, elle semble reprendre son souffle, et s’en suit l’étonnement.Comment s’est-elle retrouvée là ? Elle va donc se mettre à la recherche de ce qui la lie au reste du monde : son corps. Mais c’est tout un parcours qu’elle va devoir affronter.

J’ai perdu mon corps : un film d’animation ancré dans le réel

Nous suivons en parallèle un jeune garçon, Naoufel, orphelin, qui passe l’adolescence dans une cité de Paris. Son métier de livreur de pizza ne satisfait pas plus que ça, mais, comme ce qu’il livre, c’est alimentaire et c’est ce qui lui convient. Alors, quand il rencontre une jeune fille, Gabrielle, qui travaille dans une bibliothèque, il tente de changer son destin. Il quitte subitement son emploi et devient apprenti menuisier.
La question du destin est l’un des sujets phares du film : sommes-nous réellement en clin à jouer avec ce qui est prédit ? La mort des parents de Naoufel, tragique, nous montre que nous ne pouvons parfois changer le cours des choses. S’ils étaient restés en vie, il serait sans doute devenu un grand pianiste. Mais il se retrouve, dix ans plus tard, dans une toute autre situation. Alors, que nous reste-il ? Notre esprit, et nos mains ! Plusieurs clins d’œil sont d’ailleurs fait à cet organe, que l’on oublierai presque tant il fait partie de notre quotidien. Ecrire, se protéger du soleil, manger, jouer, et, avec un peu de sueur, elles deviennent notre meilleur outil de travail. Nous comprenons donc par ce parallélisme que le main orpheline de son corps est celle de Naoufel, dans un futur proche. Jérémy Clapin nous permet de lier deux histoires, celle d’une quête et celle d’un adolescent qui tombe tout simplement amoureux.

Naoufel (àgauche) et Gabrielle (à droite)

La BO de Dan Levy : une trame sensible qui lie plusieurs univers

J’ai perdu mon corps est monté comme un puzzle à reconstituer, au fil des images. Deux histoires qui n’ont a priori rien à voir et deux enjeux différents. L’une ancrée dans le présent, l’autre dans un espace temps indéfini. Les histoires fusionnent par la musique : celle composée par Dan Levy, également compositeur de Danse avec les Loups (1990). Le réalisateur Jérémy Clapin pousse alors les parallélismes jusqu’au choix des musiques. Tantôt classique avec Bach ou Schumann, tantôt rap avec une BO composée pour le film où l’on découvrira les titres La Chambre, Camion, Soirée de Dan Levy. Ces genres musicaux donnent une ambiance particulières aux scènes où Naoufel semble en conflit avec la société et celles où il est comme apaisé, en grande réflexion ou en étant avec Gabrielle. On y perçoit également un reflet des états d’âmes adolescents, entre violence et profond optimisme.

Semaine de la critique à Cannes : J’ai perdu mon corps salué

La 58e édition de la Semaine de la critique a choisi de placer le film d’animation dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2019. Sensible et social, J’ai perdu mon corps pousse à croire que, malgré ce que la vie nous impose comme contraintes et malheurs, les chances de s’ouvrir à plus grand sont entre nos mains. Métaphore ironique ou science fiction poétique ? Le film explore Paris en autant de péripéties que de frayeurs pour le spectateur. Et dans ce lot d’émotions, Jérémy Clapin capture des moments. LE moment, précisément, où tout va changer. Un baiser. Un accident. Ce qui nous donne envie de sauter dans le vide et voir où le vent décide de nous faire atterrir. À voir.


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