Juste la fin du monde de Xavier Dolan

Louis est un jeune homme et un artiste accompli. Seulement, à l’âge de 34 ans, il va bientôt mourir. Et le plus tragique dans tout cela, c’est que sa peur la plus terrible est de devoir l’annoncer, le temps d’un repas, à sa famille qu’il n’a pas vu depuis douze ans. 
Louis doit leur dire. Mais quand ? Antoine, son frère, ne semble pas vouloir entendre quoi que ce soit. Sa soeur, Suzanne, qu’il n’a jamais vraiment connu, porte en lui de l’espoir : quitter sa campagne profonde et vivre en ville, avec son grand frère célèbre. Sa mère semble également lui poser sur ses épaules la charge lourde de la responsabilité familiale. C’est lui qui incarne la réussite, il ne peut pas les laisser tomber, ou du moins plus. Et dans ce chaos bouillonnant de frustrations et de non-dits, Catherine, la femme d’Antoine, qui le regarde comme il aimerait enfin qu’on le regarde. Elle pardonne son absence sans même à avoir le lui signifier. Dolan réussit à jouer sur l’ascendance de l’émotion, en nous gonflant d’impatience. Pour Louis, nous avons envie que tout se finisse, qu’il se libère.
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Xavier Dolan filme chaque acteur dans une atmosphère confinée qui frôle l’oppression. Les acteurs resplendissent dans ce thème prosaïque, qui met en lumière une famille ni banale ni extraordinaire.  Tour à tour, les relations se croisent, les différents se cognent, l’incompréhension creuse un fossé entamé dès le départ de Louis. Douze ans, sans rien, sans mots, sans vie, et il a face à lui des inconnus qu’il doit apprivoiser. Le film installe un rythme soutenu par des dialogues qui prolifèrent et une multitude de plans, rapprochés, plus larges, puis très rapprochés. On peut avoir un sentiment de monotonie assez déstabilisante sur la première demie-heure, qui nous pousse à redoubler d’efforts pour comprendre la précision maniaque qu’à Xavier Dolan envers les détails, les regards, les gouttelettes de sueur d’un été caniculaire. Puis le rythme s’équilibre et se pose tout doucement. Les instants de décompressions sont amenés par des musiques pop marquées par la génération des années 90 (Ozone, Grimes, Blink 182…) ou par de brefs souvenirs de moments simples, heureux.
Xavier Dolan crée ainsi le souvenir immédiat : par la lenteur des scènes et ses dialogues minutieux, il saisit et allonge le temps d’une discussion, si bien que les mots s’imprègnent alors qu’ils ne devraient que voler en quelques secondes pour passer à la scène suivante. Dolan semble s’être dit : « Je veux que l’on retienne le moindre de ces instants et non pas qu’on les sélectionne, car tout est important ». Il réussit également à sortir de l’origine du film qui est une pièce de théâtre, en faisant tomber les murs ouvrant ainsi des espaces de rencontres, de disputes et d’accalmie. La simplicité du thème et l’excentricité de Dolan forment un parfait mélange. À voir.