Rencontre avec le jeune photographe Alexandre Mouchet

Alexandre Mouchet, étudiant en deuxième année de BTS communication, mais aussi photographe et rappeur engagé à ses heures privées, exposera du 13 au 25 novembre au Bomp, dans le 1er arrondissement de Lyon. Une rencontre étonnante d’un étudiant qui explore différents arts avec une curiosité et une ouverture rare.
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Est-ce que la photographie a été pour toi un moyen d’expression à un moment donné ?
Je fais beaucoup de vidéos à côté donc quand je parlerai de photographies je parlerai des deux. Mais la photographie en tant que telle a été pour moi le moyen d’exprimer ce que je ressens de la culture urbaine, qualifiée parfois de sous-culture. Avec le rap comme sujet, j’ai essayé de faire passer quelque chose de plus profond que la simple violence ou la simple insulte. De même pour le skate ou pour les concerts auxquels j’ai pu assister. Du coup la photographie a été un vrai moyen d’expression pour détourner ces stéréotypes.
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Et pourtant on sent que tes photographies ont une ouverture assez universelle ?
C’est ça. Chaque photographie que j’ai pu faire, chaque culture ou sous-culture que j’ai pu découvrir m’a amené vers d’autres choses. Chaque personne m’a apporté quelque chose. Et je pense que la vie est une sorte de cheminement et qu’à chaque rencontre on en fait une autre derrière, et que chaque culture qu’on découvre en dévoile une autre par la suite. Cette sorte de valeur « universelle » est justement l’idée de pouvoir faire découvrir tout ce qui nous entoure. Avec certaines photographies on peut réussir à transmettre un message compris par l’ensemble des personnes. En étant ouvert sur le monde et en appréciant ces photographies on peut rendre une sous-culture universelle.
 
N’as-tu pas peur de manquer de ligne éditoriale en proposant quelque chose de trop « ouvert » et « accessible » à tous ? 
Justement, là est toute la question ! Si je devais résumer mon travail ce serait « le mouvement ». Cela peut être le mouvement temporel, du temps qui passe. Ou pour d’autres photographies, sur le skate par exemple, le mouvement est représenté par le sujet qui fait une action. On a aussi le mouvement des générations, avec les portraits. Pour moi rien n’est statique : même si un instant est capturé et donc figé, il n’aura été qu’un passage dans le temps. J’ai essayé de retracer cette idée de mouvement au fil de l’exposition, en présentant parallèlement mon parcours qui débute dans la musique, puis la photographie et la vidéo.
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Alexandre Mouchet, sur un tournage
 
Exposer dans ce quartier prisé des sorties lyonnaises te permet de viser une cible assez jeune, était-ce une envie ?
Le fait d’exposer dans un bar, fréquenté essentiellement par des jeunes comme tu le soulignes, est à la fois un atout et un inconvénient. Un atout car les jeunes représentent mon public principal. La plupart des personnes avec qui j’échange sont jeunes, que ce soit à Lyon ou à travers les réseaux sociaux. Mais, étant donné que je fais partie de la galerie Day2Day Gallery, qui est une galerie d’art virtuelle et qui organise chaque mois une découverte d’un artiste dans un lieu qui le représente, avec des photographes, des peintres et des graffeurs, il faudrait aussi que je vise ces autres publics : le public des peintres, des dessinateurs, des sculpteurs. Et effectivement le Bomp est un bar très jeune, pluriculturel, ce qui peut limiter la cible. Par la suite j’aurai d’autres projets, notamment en janvier 2017 où j’exposerai au Centre Berthelot, dans le 7ème arrondissement, avec d’autres artistes de la galerie. Il y aura donc un public vraiment diversifié. Cette semaine pour moi est l’occasion de renforcer mon « coeur de cible » si on parle avec des termes de communication, mais également de faire découvrir et exporter mon travail à d’autres personnes, moins jeunes ou qui sont juste de passage dans ce bar et qui découvrent l’exposition.
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Cette exposition est-elle un tremplin vers ton projet professionnel ou la photographie et autres formes d’art restent et resteront une passion annexe ? 
J’aime beaucoup le fait que l’art serve à une idée ou un produit. Plus tard j’aimerais travailler dans l’audiovisuel tout en continuant d’évoluer personnellement, sans les contraintes liées à la demande. Cela me permettra aussi de comparer la démarche d’un client avec ma démarche personnelle. Pour un artiste il y a toujours la frustration d’être limité dans son art. A partir du moment où tu es dans une démarche commerciale, tu réponds à la demande et tu dois mettre cette frustration de côté. Ça ne veut pas dire renoncer à son âme, c’est simplement qu’il faut savoir différencier vie privée et vie professionnelle.
 
Pour toi quel média honore le plus la photographie et la vidéo ?
Hum. Chaque média a sa façon de définir la photographie et la vidéo; maintenant on sait très bien que la presse élimine de plus en plus ses photographes de presse et on apprend aux journalistes à prendre des photos avec leurs IPhone; Pour moi s’il y a un média qui réussit le mieux à communiquer ces arts c’est le digital : tout ce qui concerne les réseaux sociaux, où de plus en plus de pages rendent accessibles plusieurs formes d’art.
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Le fait de rendre de plus en plus accessible certains arts ne dénaturerait pas l’art en lui-même ?
Justement, je pense qu’il faut prendre un certains recul sur le digital. Sans vouloir dire être un « réac » (rire). Il faut se rendre compte de ce qu’est l’art et l’art qu’on nous vend dans la publicité. On peut en apprendre énormément, et cela peut même susciter quelques pistes de réflexion pour un artiste. On est dans une ouverture nouvelle et en pleine expansion, mais il faut aussi en voir les limites.
 
Quel parallèle pourrais-tu faire entre le rap et la photographie, qui sont tes deux grandes passions ?
Ce sont tous les deux des vecteurs de message. Le rap permet à la fois de lutter et de se reconnaître. Dans un texte de rap, on transmet des émotions, des sentiments d’unissons. Pour la photographie c’est peut-être moins évident, car chaque personne qui regarde une photo aura son interprétation, selon son contexte social, sa sensibilité, ses valeurs. C’est pour ça qu’il est important de montrer un travail global, pour ne pas que le public s’attarde à une photographie et comprenne l’intention générale. Et en comprenant le travail d’un auteur comme d’un photographe, on comprend sa démarche.
Le fait également que je grandisse, que je gagne en maturité au fil des projets et des cultures que je découvre, me sors de ma zone de confort et rend mon travail plus objectif, et donc plus universel.
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Exposition d’Alexandre Mouchet du 13 au 25 novembre 2016
Propos recueillis par Clara Passeron au Bomp, 1 Place Croix-Paquet, Lyon 1er
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