Je suis une fille sans histoire d’Alice Zeniter au TNG Lyon

Alice Zeniter est une autrice passionnée de narratologie. Elle interroge, sur les planches du Théâtre Nouvelle Génération à Lyon, la naissance des récits. Pourquoi, lorsque nous parlons, tout notre corps vibre autour de cette expérience vécue ? Le simple fait de raconter une anecdote l’habille-t-elle d’une aura particulière ? 

Les histoires : ces récits quotidiens de notre quotidien 

Alice Zeniter nous parle sur scène des récits qui ont alimenté sa réflexion de femme, d’autrice et de parolière. “Ce n’est pas tant un récit de moi-même qu’une mise en commun des savoirs que je voulais partager” précise-t-elle dans une interview donnée en 2020. Il y a donc, dans chacun de nos vécus, de nombreuses empreintes d’histoires racontées comme vécues. Une expérience que la romancière nous prête à (re)penser : qui n’a jamais raconté une anecdote comme on raconterait un bon livre ? Entre réalité et intentions cachées, nous nous laissons emporter par un flot de paroles qui livrent une histoire aux allures extraordinaires.
Est-ce un besoin d’amplifier notre quotidien ? D’amuser notre audience ? Quelles qu’en soient les raisons, nous invitons tous, à notre manière, les fantômes des écrivains des siècles derniers. 

En disséquant le langage par des strates plus scientifiques, telles que la narratologie, la linguistique, ou encore la sémiologie, Alice Zeniter traverse les époques de l’Antiquité à notre monde moderne. Tout auteur, philosophe, journaliste ou conteur a pu, à sa guise, s’approprier une histoire. Chaque regard est donc une nouvelle aventure. Et même la plus simple des anecdotes peut être une épopée, un roman, un film. Illusions perdues, de Xavier Giannoli, sorti en fin d’année 2021, nous parlait de l’art de manier les mots selon selon si la rédaction est favorable ou défavorable au sujet traité. Ce qui est une amorce dans le milieu du journalisme du XIXe siècle n’est qu’un chemin tout tracé vers les romans de faits divers (Chanson Douce, de Leïla Slimani, par exemple) ou les documentaires alarmistes sur des causes sociales, sociétales et environnementales dont il faut s’insurger (pour ne citer qu’eux, Dark Waters, Spotlight, Le cas Richard Jewell…). Car plus le récit est proche de notre quotidien, plus celui qui écoute s’approprie son intrigue. 

Une pièce de théâtre qui n’en est pas vraiment une

Alice Zeniter s’est entourée du circassien Matthieu Gary pour trouver sa posture sur les planches d’un théâtre. Pas nécessairement à l’aise à l’idée du seul en scène, elle crée par une honnêteté enfantine l’empathie immédiate de son auditoire. Ainsi, en empruntant à la fois les codes du dramaturge et de l’humoriste, l’autrice crée un spectacle hybride peu présent au théâtre. Il ne s’agit pas d’une conférence sur l’essai à devenir écrivain.e. Ni d’une manière déguisée d’arborer des convictions féministes fortes. Encore moins de recréer ses cours en littérature classique et moderne. Je suis une fille sans histoire est une introduction au discours, dans toutes ses formes possibles. 

Alors, peut-être en le voulant, ou en s’en déguisant, l’autrice nous transmets son désir d’écrire et de débattre. Car tout bon conteur sait communiquer sa passion. 

Illustration en Une : © FRANECK

Photographies : © Raphaël Neal et Simon Gosselin

© Pour le dire