Rencontre avec Emilie Daub et Victor Estel, co-organisateurs du Festival Woodstower

Du jeudi 29 août au dimanche 1er septembre 2019, la 21e édition du festival lyonnais Woodstower battra son plein. 21 ans, donc, et une jeunesse aussi bien gardée qu’à ses débuts. Le Woodstower n’a cessé de grandir en proposant une soirée, puis deux, pour arriver en 2018 à 3 soirées avec l’inoubliable NTM du jeudi 30 août 2018. Aujourd’hui, l’association confirme sa proximité avec le public par une programmation exigeante et éclectique. Elle s’implique plus que jamais dans des engagements écologiques en lançant des appels à projets éco-citoyens et participatifs. Emilie Daub et Victor Estel racontent leur aventure et l’organisation, en interne, d’une édition de festival. Rencontre.

Victor Estel et Emilie Daub devant les bureaux de l’association, rue d’Aguesseau (Lyon 7e)

Emilie, Victor, pouvez-nous nous dire en quoi consistent vos rôles au sein de l’association Woodstower ? 
Emilie Daub : Dans l’intitulé je suis Responsable Communication et Partenariats, mais dans la vraie vie j’ai d’autres casquettes ajoutées à celles-ci, comme chargée de la billetterie, chargée des relations publique, privée et média, community manager et chargée de la relation presse. Ce qui donne plusieurs métiers en un, mais, à trois, nous sommes obligés de nous partager l’ensemble des rôles.
Victor Estel : De mon côté je suis chargé de production et de développement durable, je m’occupe donc de toute la partie logistique dans l’enceinte du festival : la mise en place du catering (NDLR : nom donné à l’espace cantine, qui nourrit l’ensemble des équipes techniques, des bénévoles et des artistes présents), du bar, des besoins matériels, de l’accueil des prestataires et des relations fournisseurs. Pour le développement durable, je fais de la médiation pour intégrer différentes actions. En dehors du festival, je suis Responsable de la prod’ artistique, Responsable diffusion, et un peu de partenariats.

Vous êtes donc tous multi-taĉhes. Comment s’organise alors la programmation du Woodstower, qui est le grand battement de l’année pour votre association ? Des programmateurs vous recommandent-ils tel artiste pour l’édition ou cela se passe-t-il en interne ?
Victor : Nous avons Maxime Noly qui est en charge de la programmation et qui est le Président du Woodstower. Il s’occupe exclusivement de la prog’ mais nous consulte de temps en temps pour avoir nos avis. Mais pour répondre à ta question, on utilise un peu des deux pour savoir quel artiste on placera : on se renseigne sur les artistes qui ont une actualité, qui pourraient bien marcher, qui ont une esthétique bien particulière, on s’intéresse beaucoup à la nouvelle scène française, même si nous avons parfois des artistes étrangers. Maxime enclenche alors les démarches pour contacter chaque artiste. Mais comme le festival a 21 ans, nous jouissons aussi d’un confort et d’une installation dans le paysage musical lyonnais. Certains bookeurs viennent nous voir pour nous proposer tel ou tel artiste. L’ensemble de la programmation doit aussi se déterminer en fonction du budget alloué, de la disponibilité et de l’accord des artistes. Il faut donc croiser tous ces éléments !
Emilie : On a aussi quelques programmateurs qui vont à des événements, comme les Trans Musicales à Rennes qui programment des artistes montants. C’est comme cela que notre programmateur Léo a repéré Aloise Sauvage qui jouera le vendredi 30. Il y a le MaMa, à Paris, un salon dédié aux professionnels avec des concerts et des conventions qui nous permettent de faire du repérage. Les échanges entre programmateurs sont aussi essentiels pour se donner des tuyaux, des conseils. Et parfois, nous avons simplement de la chance comme pour Nekfeu qui cherchait spécifiquement une date à Lyon pour sa tournée cet été, et on l’a eu. C’est donc un mélange entre opportunités et connaissances dans le milieu. 

La programmation et la line-up du Woodstower en ligne sur le site du Festival

Qu’est-ce qui, selon vous, donne envie aux artistes comme aux festivaliers de venir au Woodstower ? 
Victor : On essaye d’être original dans la programmation. Certains sites web s’amusent à regrouper les plus gros squatteurs de festivals, c’est-à dire les groupes ou artistes que l’on va croiser toute l’année, sur différentes dates. Par exemple, sur l’édition 2018, nous n’avions qu’un groupe qualifié comme tel, qui est Caballero et Jean-Jass. Sur cette édition 2019, on a pu avoir Etienne de Crecy, Amadou et Mariam ou Synapson qui passent très peu sur les scènes des festivals. Nekfeu ne fait pas non plus beaucoup de dates cet été. 
Emilie : Puis on aime se faire plaisir, aussi, à proposer des artistes un peu en dehors. On retrouve cette année Johann Papaconstantino, qui apporte des touches de pop française et d’electro, ou Irène Dresel avec sa techno et son esthétique particulières. On sent aussi que certains artistes seront les prochains grands noms. Ce fut le cas avec The Blaze, peu connu en 2017 et qui explose cette année. 
Victor : En dehors de l’aspect programmation, il y a aussi l’ensemble du festival. Les festivaliers s’y rendent pour écouter de la musique, mais pas que. Il y a de nombreuses animations proposées tout au long des quatre jours, comme la lecture de plage, avec des livres mis à disposition, une tyrolienne, de l’art de rue, des stands de maquillage… On peut sortir de son concert sans s’ennuyer. 

Vous avez donc réussi à développer votre univers et vous faire une place dans le cœur des lyonnais. Est-ce qu’aujourd’hui vous exigez le même ton ou état d’esprit côté artistes ?
Emilie : On cherche des artistes qui ne proposent pas que des DJ sets, c’est sûr. Nous sommes ouverts aux propositions, tant au niveau de la scénographie, de la danse ou de la façon d’amener le public à eux. Puis, il faut l’avouer, on aime bien aussi les artistes un peu timbrés. Cette année, il y a un musicien qui fait de la techno à l’aide de jouets pour enfants. Du côté des têtes d’affiches, elles apportent généralement leur propre scénographie et le public vient aussi pour cela. Chaque artiste est donc plus ou moins libre dans sa proposition et les festivaliers le ressentent.

Vous vous engagez donc à apporter un bel esprit à l’ensemble du festival, mais cet engagement va au delà. Vous lancez par exemple un appel à projets éco-citoyens. Pouvez-vous m’en parler ?
Emilie : On a effectivement lancé les IDD, qui vont permettre aux festivaliers de donner leurs avis sur des problématiques écologiques. On souhaitait donc communiquer sur le fait que « Nous avons des démarches environnementales, on a des idées, mais on est sûr que vous aussi, vous en avez plein à partager ! » Cela s’adresse aussi bien aux starts-up qu’aux particuliers. Cette année, une équipe lance le projet « Do it yourself » qui consistera à apprendre à faire sa lessive soi-même, sans utiliser d’agents chimiques. Cela aura lieu le dimanche, sur la plage. L’objectif, à terme, est de faire grossir ces animations pour créer un village d’idées, de projets et que cela soit participatif. 
Victor : Cela faisait plusieurs années que l’on menait des actions en développement durable, sans que cela n’impacte le côté festivalier. Nous utilisons, par exemple, une vaisselle entièrement compostable au catering et des produits bio et locaux. On voulait lancer une action un peu plus forte et visible cette année en trouvant également une solution face au nombre incalculable de mégots qui jonchent le sol chaque année en leur donnant une seconde vie. En partenariat avec une association, nous allons disposer des grands cendriers sur l’ensemble du site, et les mégots seront récoltés et recyclés.

Et qu’est-ce qu’on peut créer à partir de mégots de cigarette ?
Victor
: Beaucoup de choses en réalité. Du mobilier urbain, du combustible propre, et d’autres solutions à concrétiser qui semblent prometteuses pour l’avenir.

L’année dernière a été marqué par une édition plutôt intense, avec l’ajout d’un soir, d’un jour, plus de 300 bénévoles sur l’exploitation et 33.000 festivaliers à la clé. Comment voyez-vous le Woodstower évoluer ? Car si l’on en croit les éditions précédentes, le nombre des soirées et journées n’a fait que croître depuis 2016.
Emilie : Je crois que nous avons trouvé notre format. On a effectivement beaucoup grossit en très peu d’années, en passant d’un soir payant-un jour gratuit, à deux soirs payants-deux jours gratuits, et en 2018 trois jours payants-trois jours gratuits. Cela a amené une autre gestion de notre public, et surtout une gestion humaine avec l’ensemble du staff qui travaille à côté, soit plus de 500 personnes.
Victor : Et l’édition dernière a été assez sportive ! Ajouter un soir est toujours un pari risqué, car cela induit d’augmenter le budget, la taille du festival, en prenant le risque de ne pas regrouper notre public. L’année dernière a soldé nos efforts avec le concert-événement de NTM pour les 20 ans de l’association, et je crois aussi que cela nous a donné un équilibre. Trois soirs est un bon format, avec une programmation du jeudi plutôt orientée concerts comme on pourrait voir à la Halle Tony Garnier ou au Transbordeur. On compte donc se stabiliser au profit d’une amélioration sur ce qu’on ne maîtrise pas encore totalement.

Cette année, on trouvera donc Nekfeu sur la programmation du jeudi soir, tournée sur la format 20h00-00h00. Est-ce l’artiste qui vous donne envie d’y consacrer un format concert ou est-ce un choix stratégique pour amener un public dès le jeudi soir ? 
Emilie : Effectivement, le jeudi soir était basé sur un événement : le retour de NTM. On voulait renouer avec notre public d’il y a vingt ans, qui était un public NTM. 
Victor : Pour un concert le jeudi, il faut un artiste un peu exceptionnel. Il faut que les gens se déplacent, et donc que ça vaille le coup. Cette soirée est donc pensée un peu différemment, même si le public peut retrouver les animations sur le site comme la tyrolienne. Le public du Woodstower devrait aussi davantage s’y retrouver, qui est une cible plutôt Nekfeu que NTM. Nous verrons cela fin août !

Dernière question… Pourquoi une banane hot-dog comme logo de cette édition ?
Au Woodstower, on peut se permettre d’être décalé. Une année, on eu géant vert en logo, l’édition d’avant trois boules de glaces qui rappellent l’été. On cherchait un symbole pop et décalé, et ça fonctionne bien avec le côté vitaminé du Woodstower. On va aussi le décliner en objets fun pour le merchandising avec un pins banane et une banane… Couleur banane !

Merci aux membres de l’association du Woodstower d’avoir répondu aux questions
Rendez-vous le dernier week-end d’août sur le site de Miribel Jonage
Toutes les informations 
sur le site du festival Woodstower
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