L’exposition GENESIS de Sebastiao Salgado, une ode à l’art et à la nature

Salgado : photoreporter, photojournaliste ou photographe tout court ?

Sebastião Salgado est un photographe franco-brésilien connu pour ses travaux humanistes. Militant contre la déforestation, il confronte l’Homme aux dégâts qu’il inflige à la planète. GENESIS est l’un des projets majeurs et s’étale sur huit années, où l’artiste traversera tous les continents. 32 lieux, 245 photographies et des milliers d’histoires. À découvrir cet été à La Sucrière, Lyon 2e, jusqu’au 16 août 2020.

Salgado : photoreporter, photojournaliste ou photographe tout court ?

Lorsque nous parcourons l’exposition GENESIS, nous sommes frappés par la grandeur et la beauté de ces images. Plus que dans les livres de photographies ou les écrans d’ordinateurs, nous sommes immergés dans un univers bien particulier. Coupés de ce ce que l’on maîtrise de notre civilisation, nous apercevons un monde tranquille. Un monde qui n’a pas encore été pénétré par l’occidentalisation, par l’urgence d’une technologie toujours plus avancée, par l’empreinte de l’Homme blanc.
Depuis 1997, Sebastião Salgado se consacre uniquement au noir et blanc, qui rejoint les codes classiques de la photographie artistique. Ce qui frappe avant tout dans ses oeuvres est l’importance du détail. L’artiste semble faire corps avec l’objet photographié, comme s’il avait appris à le connaître, l’avais compris. Les fines gouttelettes glissent sur la peau épaisse et ridée d’une baleine franche australe en Argentine. Les centaines d’algues brunes bravent les tumultes des eaux troubles de l’océan. Les pupilles sombres des animaux sauvages reflètent la silhouette spectrale du photographe ou de leurs acolytes dans les Îles Sandwich du Sud. Face à cette immensité, la beauté subjective de l’image et la science du reportage coopèrent. En travaillant régulièrement avec l’agence de photographie Magnum Photos, créée par des photographes réputés tels que Robert Capa, Robert Frank ou Henri Cartier-Bresson, Salgado confirme son talent et sa place ambiguë entre art traditionnel et art humaniste.

Les femmes du village, Pará, Brésil © Sebastião Salgado

L’Homme et la nature, relation passionnelle ou destructrice ?

Pendant 8 ans, Sebastião Salgado traverse les climats sur le fil de l’inconscience. Capturant le danger et l’extraordinaire, il renvoie son spectateur à son infime place qu’il occupe sur Terre. Le photographe s’exprime, en 2008, sur le projet GENESIS avec les mots suivants : “Ce que j’ai pu voir tout au long de ma vie c’est cette incroyable relation entre la dégradation humaine et la dégradation de l’environnement. (…) J’ai commencé à perdre confiance et j’ai cru que l’espèce humaine fonçait droit dans le mur. Cette dichotomie des humains, l’éloignement du fait que nous sommes réellement nature et que nous faisons partie de la planète, a créé une grande complication pour les hommes”. Traduit d’un article du magazine Forbes, en janvier 2008.

Parc National de Kafue, Zambie, 2010 © Sebastião Salgado

Salgado semble prendre plaisir à mettre la nature au-dessus de l’Homme. Que cela soit en Papouasie, au Canada ou en Afrique, la nature semble absorber, noyer l’Homme de son abondance. Cette relation complexe se retrouve à travers la binarité des plans du photographe. Parfois, les plans sont serrés sur des visages ridés par le soleil et des muscles gainés par un travail physique. D’autres fois, les plans plus larges nous montrent un village, une position, qui semble être en dehors de tout soucis. Dans tous les cas, le photographe glorifie la nature. Alors toute la symbolique du projet apparaît : l’Homme et la nature co-existent uniquement parce que la nature lui donne cette chance. L’humain, même s’il n’est pas négatif pour elle, sera réduit à un détail tandis que l’animal, lui, est l’élément central.

GENESIS à La Sucrière Lyon

GENESIS est donc une exposition itinérante, dans la continuité des nombreux supports sur lesquels elle est déjà apparue : dans les livres, les magazines photos, dans le long-métrage Le Sel de la Terre, réalisé par Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado avec Sebastião Salgado (2014)… Elle permet donc à un public plus large de s’ouvrir à la beauté de la planète comme à l’urgence de sa destruction. On ne peut que comparer, aussi, cette exposition à celle du photographe Steve McCurry, qui avait lieue dans ces mêmes murs un an plus tôt. GENESIS est en défintive une ode à la nature. Elle permet de ré-axer notre pensée sur ce qui semble être aujourd’hui le plus important : la sauvegarde de notre environnement. Face à cela, nous ne sommes plus qu’un.

Photographie de l’exposition GENESIS © La Sucrière

© Pour le dire