Madeleine Collins d’Antoine Barraud

Madeleine Collins est une ombre. Un contour, un fantasme. Elle est une femme à qui l’on peut prêter plusieurs vies : libre à toute interprétation.
Mais, pour le moment, elle n’existe pas. Non, nous suivons d’abord la vie de Judith Fauvet, une traductrice douée vivant à Paris et qui ne cesse de voyager pour son métier. Mêlant conférences, rendez-vous, voyages en trains, il est donc tout à fait normal pour sa famille et sa vie à Paris qu’elle disparaisse de temps à autre. Mais dans cette éclipse de 2 à 3 jours par semaine, que fait-elle vraiment ?
Judith devient Margaux Soriano, compagne d’Abel. Elle passe la frontière Suisse et se transforme en une mère dévouée d’une petite fille qui pleure toujours le départ de sa mère. Et chaque semaine, la même comptine : “Je reviendrai dans 2-3 jours.

Virginie Efira (Judith et Margaux) et Bruno Salomone (Melvil)

Antoine Barraud a écrit et réalisé ce film comme un thriller. On a d’abord la peinture, puis on en voit les imperfections, les craquellements. Virginie Efira, l’interprète de Judith-Margaux, donne corps à ce suspense haletant. Elle joue avec les masques de ces deux figures féminines fortes. Mais au fond… Qui est-elle, vraiment ? Quand elle enlève ses apparats ? Dans cette double vie où tout devient possible, le mensonge prend de plus en plus de place. Insidieux, il gangrène à l’intérieur chaque personnage. Madeleine Collins questionne donc la moralité en invitant le spectateur dans ces deux vies. L’écriture met donc à la fois en scène la virtuosité du mensonge de Judith mais aussi le regard des hommes sur elle. Son mari parisien, son compagnon suisse, que pensent-ils ? La regardent-ils pour ce qu’elle est vraiment ou pour l’image qu’elle décide de leur renvoyer, au moment présent ?
Le réalisateur et scénariste dépeint sans jugements la vie de cette femme forte qui, pour des raisons d’abord obscures au spectateur, décide de mener de front chacune de ses vies. Animée par un métier où elle change de langues au fil des conférences, il semble être le reflet d’un équilibre choisi. Pourquoi s’enfermer dans une seule case ? Dans une seule langue ? Dans une seule vie ? “Le film s’offre à nous par différents prismes, mais s’y montre notamment le premier enfermement qui est celui de la structure familiale. J’ai imaginé le personnage comme quelqu’un qui se sentait très fort de la possession de ses doubles ou triples existences.” confie Virgine Efira lors d’une interview pour UGC.

Malgré tout, l’intrigue tient plus du drame que d’un élan fantasque de conter la liberté de vivre. En effet, plus on construit des choses, plus on s’entoure, plus on élève une bâtisse qui nous attache à ce choix de vie. Peut-être Judith voulait-elle tout consumer ? Ou bien… Tout brûler derrière elle ? Et s’échapper.
À voir.

Photographies : © Paname Distribution / UFO

© Pour le dire

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