Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson

Quel est ce nouveau film du réalisateur émérite Paul Thomas Anderson ? Est-ce une simple rom com ? Un road movie ? Ou est-ce un mélange fantasque de saveurs à l’image d’une “pizza à la réglisse” ?

Licorice pizza : comme un plan séquence de deux heures treize

Licorice pizza nous emporte et nous piège dès ses premières scènes. Projeté dans un dialogue fuselé entre un adolescent plein de bonhomie et de punchlines bien senties, et une jeune femme de dix ans son aînée qui se prête au jeu d’une conversation drôle et absurde à la fois, le spectateur pressent l’amorce d’une histoire romantique. Pourtant, les dés viennent tout juste d’être lancés par le réalisateur. Nous allons démarrer un jeu rempli de retournements de situations, de règles étranges, de chemins qui n’ont pas vraiment de fins ni d’explications. 

Paul Thomas Anderson manie habilement ces enchaînements de répliques, protagonistes et situations qui s’entrecroisent dans un ordre bien précis. Ce brouillon maîtrisé nous halète, nous intrigue, nous fait nous questionner sur le sens de ces destins pris à la volée. 

La fraîcheur des deux acteurs Alana Haim (dans le rôle d’Alana) et Cooper Hoffman (dans le rôle de Gary) porte cette extravagante aventure. Amoureux transis, ennemis d’une heure, leurs sentiments changent de visages à l’image d’une romance étendue sur dix années. Malgré leurs aventures respectives, Gary et Alana ne cessent de rester les partenaires d’une danse saccadée.

La musique rafraîchissante des années 70, couplée à la colorimétrie rétro de Licorice Pizza, égaye notre âme et ajoute quelques douceurs à cette balade un peu floue. Les embruns de rock et de folk se joignent aux courses des personnages. Quelle est vraiment leur destinée ? 

Licorice Pizza, un film aux multiples ingrédients

Licorice Pizza est donc un long-métrage hybride, à l’image de la filmographie de son réalisateur Paul Thomas Anderson : jamais enfermé dans un genre, il se laisse porter vers des saveurs risquées et parfois difficiles. On peut être saisi comme en dehors. La succession de ces visages connus d’Hollywood peut nous ravir ou tout aussi bien nous gaver dans sa construction en scénettes en fil tendu. Même les héros n’en sont pas vraiment. Ils se perdent, hésitent, défigurent la facette que l’on leur avait prêté initialement. Pourtant, ce qui les rattrape, avant qu’ils ne se perdent totalement, c’est leur fond. Est-ce une mise en abyme du film ? “Si c’est du Paul Thomas Anderson, cela doit forcément avoir un bon fond.« 

Oui mais, voilà. 

À l’image du dernier film de son confrère cinéaste Wes Anderson, The French Dispatch, Paul Thomas Anderson semble appuyer l’idée qu’un film d’auteur de deux heures ne tient qu’à la richesse de la proposition d’acteurs et de situations. Comme si laisser deux jeunes vivre innocemment leur vie était devenu trop fade. Arrivent alors un Sean Penn à la présence discutable et un Bradley Cooper antagoniste au possible.

Peut-être fallait-il toutes ces histoires, tous ces visages, pour que les deux jeunes se recentrent sur la leur ? À vous d’en juger. 

Photographies : © Paname DiMetro-Goldwyn-Mayer Pictures

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