Rencontre avec le réalisateur Thomas Lilti pour Un métier sérieux

Le réalisateur d’Hippocrate a présenté son tout nouveau film Un métier sérieux à Lyon.

Benjamin (Vincent Lacoste) rejoint une équipe d’enseignants dans un collège à Paris pour sa première année de prof. Il découvre la réalité de ce métier mais aussi la profonde solidarité entre enseignants (interprétés par Louise Bourgoin, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos…). Comment garder la foi en ce métier pas toujours valorisé par nos proches et par la société ? Comment rester à l’écoute et dans l’empathie après plusieurs années ? Et comment cultiver le plaisir de transmettre à notre future génération ? Après avoir vu le film en avant-première, j’ai pu poser quelques questions au cinéaste.

Entretien avec le réalisateur Thomas Lilti 

Pour le dire : Pourquoi avoir choisi ce titre ? Qu’est-ce qui définit, selon vous, un “un métier sérieux” ?

Thomas Lilti : J’aimais bien l’ironie de ce titre car il pose ouvertement la question : “est-ce toujours un métier sérieux, prof ?” . Il est en effet tellement mal considéré par la société que cela amène à se poser la question. Pourtant, c’est un métier au cœur de nos vies : on est tous confrontés à des enseignants, en tant qu’élève ou en tant que parent. Ce titre a aussi une double lecture sur mon métier de réalisateur. Quand j’avais annoncé à l’époque à mes parents vouloir faire du cinéma, il m’avait répondu “oui pourquoi pas, mais ce serait bien que tu fasses un métier sérieux”. Alors, le métier de professeur des écoles fait-il toujours partie des métiers sérieux auxquels les parents pensent, quand ils abordent le monde du travail avec leurs enfants ? Je n’en suis plus si sûr. 

Dans ce film, vous avez décidé de travailler de nouveau avec le même noyau d’acteurs que dans vos précédents projets, films ou séries. On retrouve ainsi Vincent Lacoste, William Lebghil, François Cluzet, Louise Bourgoin. Pourquoi décider de s’entourer de la même famille ? Cela a-t-il un effet rassurant ? Ou est-ce, au contraire, un challenge que vous vous plaisez à reproduire ?

Thomas Lilti : Je trouve que c’est une chance inouïe de pouvoir travailler avec des acteurs que vous aimez. On part ensemble pour une aventure de deux à trois mois, avec la grande promiscuité et la violence que demandent un tournage. Et j’ai aussi cette chance qu’après ces aventures, eux aient aussi envie de continuer à tourner avec moi. Le fait que ces acteurs aient confiance en moi me donne beaucoup d’énergie, de courage et une envie forte de progresser. J’avais d’ailleurs dit à François Cluzet, avec qui j’ai tourné Médecin de Campagne en 2016, que j’avais envie de lui montrer que j’avais progressé.

Meriem (Adèle Exarchopoulos) et Benjamin (Vincent Lacoste) © Les Films du Parc - Denis Manin

Vous laissez tout de même de la place aux nouvelles rencontres. On découvre ainsi Adèle Exarchopoulos, dans le rôle d’une professeur accessible et passionnée, et Lucie Zhang – révélation dans Les Olympiades de Jacques Audiard en 2021 – en professeur plus empêchée, plus timide ?

Thomas Lilti : Dans ce milieu, il y a toujours des rencontres et une multitude d’acteurs avec qui on a envie de collaborer. La famille continue donc de s’élargir. Adèle Exarchopoulos est une rencontre incroyable, au-delà d’être une très bonne actrice, c’est une jeune femme bourrée de qualité au-delà de la comédienne. De même pour Lucie Zhang, avec qui j’ai énormément de chance d’avoir pu travailler. 

Quand on entend parler les professeurs, aujourd’hui, on décèle une certaine fatigue dans leurs discours. Pourquoi ce métier passion est-il un métier en souffrance ? 

Thomas Lilti : Même les professeurs passionnés par leur métier souffrent, et ce pour plusieurs raisons. Les professeurs s’interrogent sans cesse sur leur légitimité. Il amène, aussi, à une grande solitude. Les professeurs sont de moins en moins bien compris, de moins en moins bien aimés. Chaque année est un nouveau recommencement : il faut se lancer avec de nouvelles classes, de nouveaux jeunes; et cela épuise. Malgré tout, j’ai voulu montrer la foi qui subsistent dans ce métier, avec la solidarité entre enseignants que l’on peut trouver, ici à travers les murs d’un collège banal de banlieue parisienne.

Retour sur le film…

Malgré cette dernière question comme un couteau sur un secteur en peine, Thomas Lilti réussit à autopsier ce métier avec un regard tendre. Les professeurs sont dépeints sans fioritures, avec une certaine chaleur humaine. Ils ne sont ni les super-héros du quotidien ni les tyrans dont certains de nous – quand notre mémoire nous console de nos notes médiocres – se rappellent. Ils sont simplement des humains, derrière leurs bleus de travail, qui s’accrochent à leur idéal. 

Le bon prof, est-ce que ça existe vraiment ? N’y a-t-il pas autant de manières d’être prof qu’il y a d’élèves dans leur établissement ? 

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“Un métier sérieux” de Thomas Lilti. Actuellement en salles. 
Interview : Pour le dire 
Photo de Une prise par Alice Forgeot
Merci à Pathé Lyon et UGC Lyon pour cette rencontre.