Vortex de Gaspar Noé

Un couple vit ses derniers instants dans un appartement parisien rempli de souvenirs. De livres, surtout. Puis quelques feuilles volantes, où le mari trouve refuge en écrivant son prochain roman. Écrire pour dire ou écrire pour se souvenir ?

Vortex : un Gaspar Noé sage et mesuré 

Ici point de débauche, de cris, de sentiments d’oppression ou d’impuissance. Si ce n’est la fatalité de la vie. Car c’est de ça dont il s’agit : ce couple, qui vit d’habitudes et de petites querelles, se désagrège dans un long souffle tranquille. 

Le réalisateur utilise la technique du split-screen qui nous permet de voir deux actions parallèles en même temps, à la manière de la scène du repas dans Annie Hall ou du “attentes vs réalité” de (500) jours ensemble.

(500) jours ensemble de Marc Webb (2009)

A l’instar de ces exemples, le double écran est présent durant l’intégralité du film. Un choix qui peut perturber aux premiers abords, notamment parce que les scènes filmées sont des scènes banales de la vie quotidienne. Choisir un vêtement dans un premier écran, préparer du café dans le deuxième. Sortir faire des courses dans le premier, faire sa toilette dans le deuxième. Les vingt premières minutes nous laissent donc dans une forme de léthargie. S’agit-il d’un Noé ? Est-ce que je vais vraiment être pris.e par ce mode de réalisation ? Le doute nous prend puis s’étouffe par l’arrivée du fils, interprété par Alex Lutz, qui donne une nouvelle respiration au film.

Mais très vite, ce double écran s’installe comme un personnage à part entière. Outre le fait d’agir comme un miroir de la vision de chaque personnage, il est une ombre silencieuse qui annonce qu’un drame se prépare. Si chaque mouvement est épié, ce n’est peut-être pas un hasard ?

Françoise Lebrun et Dario Argento incarnent un couple vivant ses derniers jours

Filmer la vieillesse de manière pure 

Comment filmer la vieillesse, le désordre latent d’un cerveau fatigué, l’amour dissipé, envahit par des soubresauts de souvenirs puis par des longues phases d’amnésie ? Comment rendre juste les silences, les regards perdus dans le vide, les gestes maternels qui empêchés, indisponibles… Puis, dans le noir, lorsque tout semble s’écrouler : ils reviennent, comme s’ils s’étaient économisés juste pour ce moment.

Le mari. La femme. Et le fils, aussi. Chacun regarde l’autre sans haine et sans jugement. Comme s’il ne leur restait plus que ça : regarder. Tenter de comprendre, mais rester muet. C’est sans doute le plus dur : ils s’aiment mais ne savent plus l’exprimer.

Dario Argento, Alex Lutz, Françoise Lebrun

Gaspar Noé revient donc avec un film doux sur la vieillesse et son glissement vers l’abandon. Une poésie silencieuse, presque nonchalante, à la manière d’une personne qui aurait déjà tout vécu et qui se satisfait de ne rien vivre d’excitant. Cette journée, cette semaine. Cette dernière année. 

Photographies : © Wild Bunch Distribution

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