Rencontre avec Clovis Cornillac pour le film « Couleurs de l’incendie »

Clovis Cornillac était à Lyon ce week-end pour présenter « Couleurs de l’incendie ». Après « Au revoir là-haut », premier volet de la trilogie de l’auteur Pierre Lemaître portée sur la période post première guerre mondiale. Il a d’ailleurs remporté le Prix Goncourt, pour son premier volet. Cinq ans plus tard, c’est au tour de son second roman d’être adapté au cinéma. Le film sort en salles le 9 novembre 2022. Rencontre avec le réalisateur.

Synopsis de Couleurs de l’Incendie

Dans les années 1920, Madeleine Péricourt voit sa vie basculer à la mort de son père, un homme de pouvoir dont la richesse est convoitée. En faisant aveuglément confiance aux proches du défunt, elle perd l’héritage de son père. Ne lui reste alors qu’une chose : le désir de vengeance. Aidée d’une poignée de femmes et d’hommes avisés, elle monte petit à petit un plan pour obtenir satisfaction.

« Couleurs de l’incendie » met donc en scène le destin d’une femme forte, qui se révèle à elle-même et à son entourage. Et autour d’elle, tout une série de protagonistes aux desseins divers.

Interview avec le réalisateur Clovis Cornillac

Pour le dire : Comment êtes-vous arrivé sur ce nouveau projet de réalisation ?

Clovis Cornillac : Le désir, d’abord. Le désir de fabriquer du cinéma et avec un support pareil c’était une évidence. Je connaissais Pierre Lemaître qui m’a proposé une collaboration pour réaliser son projet film. Lui au scénario, moi à la réalisation. J’ai tout de suite dit oui, car je J’ai le souvenir d’une expérience au cinéma en allant voir “Spartacus”. À l’époque, je ne connaissais rien de Stanley Kubrick ou de la réalisation. J’y allais pour me divertir. Pourtant, certaines thématiques du films me sont restées, ou bien ont surgi des semaines plus tard. C’est ce que je cherche, dans le cinéma : créer de l’accessible mais avec une résonance, des semaines après.

Comment s’est déroulée cette co-réalisation avec l’auteur du roman ?

Clovis Cornillac : Pierre Lemaître est extrêmement doué et au service du film. Dès le début, Pierre m’a dit “Mon livre est fait. Maintenant, c’est ton film qu’il faut faire.” Tout ce que je lui proposais ou demandais, il l’exécutait avec plaisir. C’est vraiment agréable de collaborer avec des personnes qui ne se tirent pas dans les pattes, qui sont dans l’échange.

Albert Dupontel avait réalisé “Au revoir là-haut” en 2017, qui avait eu une très belle réception auprès du public français. Y a-t-il une appréhension à passer “après” Albert Dupontel ?

Clovis Cornillac : Il n’y a pas vraiment de comparaison possible car les trois romans sont indépendants les uns des autres. C’est une trilogie au service d’une période, mais qui met en scène d’autres personnages, d’autres histoires. Pierre Lemaître a cette force d’amener le même niveau d’émotions à son lecteur mais avec des thématiques et des enjeux très différents.

Comment se dirige une troupe d’acteurs aussi différents qu’avertis ? Fanny Ardant, Léa Drucker, Alice Isaaz, Benoît Poelvoorde…

Clovis Cornillac : Ce qui est génial, quand on travaille avec des personnes qui sont dans le métier depuis un certain temps, c’est qu’ils ont la capacité d’entendre ce que tu leur dis et de le révéler ensuite, à leur manière. Dans certains films, tu peux te tromper au casting car l’acteur a donné tout ce qu’il pouvait donner au moment des essais. Or ici, tout était fluide. Tu te débrouilles aussi, pour que ça fonctionne, grâce au montage. La réalisation, c’est la chose la plus impudique qui existe mais qui ne doit pas se voir. C’est donner l’histoire telle qu’on aurait aimé qu’elle soit lue, mais s’effacer ensuite pour laisser les acteurs rayonner. Si le film est bon, c’est parce que les acteurs sont bons. Si le film est mauvais, c’est que la direction des acteurs n’était pas bonne.

Léa Drucker, interprète de Madeleine Péricourt

“Couleurs de l’incendie”, c’est aussi l’histoire d’une femme qui se révèle au monde et se découvre une force qu’elle n’imaginait peut-être pas, à la suite d’événements dramatiques. Comment construire un tel rôle avec Léa Drucker, qui interprète cette héroïne ?

Clovis Cornillac : ce qui est formidable avec cette héroïne, c’est qu’elle a deux moments phares dans le film, traversés sur deux époques. Elle est une première Madeleine Péricourt, que l’on découvre, puis elle devient une autre Madeleine Péricourt. Ce qui est à la fois challengeant pour une actrice et agréable pour un spectateur, qui voit se révéler un personnage avec d’autres enjeux. C’est un peu le Comte de Monte Cristo ! Dans l’écriture de Pierre Lemaître, il y a cette complexité, ces châteaux de cartes avec une atmosphère de revenge. Mais il permet aussi aux personnages d’avancer. L’intrigue n’en est alors que plus bonne et jubilatoire.

Ce qui est également intéressant c’est que les personnages eux-mêmes semblent servir leurs intérêts et avoir des enjeux que le lecteur/spectateur découvre au fur et à mesure de l’intrigue. Je pense par exemple au personnage de Solange, interprété par Fanny Ardent, qui se voit invitée à Berlin par le Chancelier Hitler. Cette invitation est pour elle signe d’une grande évolution dans sa carrière. Toutefois, une fois sur scène, devant cette foule d’Allemands, elle sait très bien pourquoi elle est ici.

Clovis Cornillac : Bien sûr. Les personnages sont passionnants. L’héroïne est maître d’œuvre mais les trajectoires de ceux qui l’entourent sont passionnantes également. Fanny a travaillé en playback sur les chants de Sandrine Piaut, une grande interprète. Je voulais que Sandrine nous fasse une interprétation du Chant des esclaves, que chante Fanny, de façon serrée, avec tout l’enjeu de la scène qui est de chanter le désespoir des Hébreux à Babylone en résonance avec les terribles événements de l’époque, orchestrés par le Chancelier.

Fanny Ardant, dans le rôle de la chanteuse Solange

Madeleine se fait berner et éconduire mais n’en reste pas moins humaine. Prête, même, à excuser certains de ceux qui l’ont berné….

Clovis Cornillac : Sa vengeance est différente de celle, par exemple, du personnage de Benoît (NDLR : Benoît Poelvoorde incarne un amoureux transis qui, blessé dans son ego, va participer à la manipulation globale contre Madeleine) qui est malheureux par dépit amoureux. Il croit, comme beaucoup d’hommes, qu’en devenant quelqu’un, elle l’aimera en retour. Il roule des épaules et tente de grimper mais elle n’entre jamais dans son jeu. Il ne trouvera donc jamais le calme. Ce qui rend aussi certains protagonistes qui font le mal touchants, même s’ils ne sont pas pour autant excusables.

Ce film m’a fait penser à Mathilde, dans Un long dimanche de fiançailles – où vous aviez d’ailleurs joué – dans ce rôle d’enquêtrice. Était-ce une référence ?

Clovis Cornillac : Je trouve qu’il y a beaucoup de similitudes entre la plume de Pierre Lemaître et celle de Sébastien Japrisot. Il y a en effet un cousinage entre les destins de ces deux jeunes femmes.

Extrait de l’interview : https://www.instagram.com/reel/CjhxhrwI8yL/?utm_source=ig_web_copy_link


Merci à Clovis Cornillac pour cette interview, ainsi qu’à l’équipe de production.
Merci à UGC Lyon pour l’organisation de cette rencontre.
Photographie de Clovis Cornillac et interview : © Pour le dire

Photographies extraits du film : © GAUMONT – LA COMPANY – UMEDIA – FRANCE 2 CINEMA

“Couleurs de l’incendie”, en salles le 9 novembre 2022