Le consentement avec Ludivine Sagnier de Sébastien Davis

Tout le monde connaît cette histoire. Tout le monde connaît leur histoire. En 2020, Vanessa Springora publie un roman. “Le consentement”. Où comment une jeune fille de 14 ans a pu être sous l’emprise d’un homme célèbre de 50 ans, qu’elle adulait plus que quiconque. Il valait plus que tout. Plus que les cours, plus que les amis, plus que sa famille. Et tout son entourage, autour de ses 14 ans, semblait consentant. 

Une mise en scène minimaliste 

Sur scène, les mots de Vanessa Springora. Le décor et la musique sont ainsi à la carte du metteur en scène Sébastien Davis pour habiller, de son regard et par d’autres arts, ce récit lu de beaucoup. Le timbre de voix adolescent emprunté par Ludivine Sagnier nous plonge alors dans l’histoire. Vanessa est une fillette, ses parents se séparent, son quotidien au collège est agrémenté de bonnes notes, les années semblent paisibles si l’on ignore l’exil du père. Ce père, comme un fantôme du récit, comme un fantôme sur les planches, une présence par son absence. C’est en trouvant les yeux de celui qu’elle appelle “G” qu’elle renaît à nouveau. Ludivine Sagnier incarne alors sur scène l’innocence d’une jeune fille emprise d’amour. C’est un journal de bord que nous délivre la comédienne, dont l’ordre des réminiscences de l’autrice a été remanié par le metteur en scène, dans un souci de montée en puissance. De la fragile adolescente se meut petit à petit une jeune femme éveillée, lucide… Puis éclairée des faits. 

Cette dichotomie entre l’histoire d’amour qu’elle mène avec G, où tout semble idéal, et la réalité sombre d’une relation pédophile, se matérialise par un écran blanc, opaque, derrière lequel la comédienne vient s’isoler de temps en temps. Cet écran semble être le mensonge derrière lequel on se cache, où l’on prétend que tout va bien alors que notre corps nous dit le contraire. Au devant de la scène, c’est donc une vie jouée. Derrière, ce sont les maux, le vrai, les lésions d’une union dangereuse. 

“Il fallait que je sois le plus honnête possible avec le travail de Vanessa.”

Ludivine Sagnier, Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon

Une première sur planche du Consentement

Réemployer les mots d’écrivain.e.s célèbres n’est pas chose aisée. Il faut incarner à la fois le personnage de fiction, tout en respectant l’intention de l’auteur ou autrice. Ludivine Sagnier approche donc ces écrits avec une certaine pudeur, et distance.

Ce que je souhaitais, c’est aborder ce texte avec le plus de neutralité possible. Le livre n’a pas été écrit quand elle avait 14 ans, ou même quelques années après. Il y a une forme de résilience dans ce récit. La colère est passée.” nous dit Ludivine Sagnier sur le plateau du théâtre. 

Ludivine Sagnier dans Le Consentement © Christophe Raynaud de Lage

Le consentement aborde ainsi le pouvoir des mots, écrits, oraux, cachés. Par la puissance des mots, on peut glorifier ou briser un être. On peut manipuler tout un auditoire. Et même se préserver de la justice. Les mots peuvent encercler le mal d’une parure admirable. Ainsi, G échappe à la fois aux soupçons de la famille, cercle sans doute le plus intime, mais aussi à ceux de la Justice, celle censée nous protéger, sans faille, quand personne d’autre de ne le fait. 

Mais la lumière dans le récit ré-orchestré par le metteur en scène semble aussi être le pouvoir libérateur de l’écriture. Nous renouons alors avec la Vanessa studieuse du début. Celle qui se plongeait dans les livres, qui semblait la guérir. Alors Le Consentement était-il l’achèvement de cette guérison, à l’aube de ses cinquante ans ? 

Mention particulière à la musique de Dan Levy, compositeur récompensé pour la musique originale de J’ai perdu mon corps, jouée sur scène par le batteur Pierre Belleville. “Dan voulait une batterie car il fallait que ça dérange, tout comme le texte de Vanessa Springora. La musique est là pour accompagner et souligner le texte.” nous dit alors le musicien. 

Pour en savoir plus sur le processus de création de la pièce par Sébastien Davis.

Pour commander le livre Le Consentement de Vanessa Springora.

Citations du metteur en scène Sébastien Davis, de la comédienne Ludivine Sagnier et du musicien Pierre Belleville, retranscrites lors du bord de scène du Théâtre de la Croix-Rousse, le jeudi 5 janvier 2023

© Photographie en Une : Laura-Marie Cieplik

© Pour le dire