L’art où tout coule

L’écriture créative, cet art d’accoucher de tout. De prendre la plume pour un poème, une pensée sociétale comme un étendard lorsque tout brûle, un début d’histoire de deux protagonistes qui, bien qu’opposés, s’attirent, une enquête spectaculaire sur fond de Nietzsche et de Fincher. L’écriture créative est une réflexion que l’on jette à la mer et que l’on regarde s’épuiser.

En contemplant nos façons de tromper la page blanche, de nager, parfois à contre-sens, il arrive que des choses grandioses se produisent. Des mots, placés là, au hasard, résonnent dans notre tête comme pour créer une histoire. Et une histoire sensée. On ne sait pas vraiment comment c’est arrivé. Parmi les milliards de possibilités, les probabilités empêchées ou éteintes, ces centaines de mots libres ont trouvé une étreinte. On fait danser les lettres sur notre clavier et la chanson s’écrit.

Faut-il se poser devant un ordinateur, chaque jour, pour créer ? Agripper un crayon à papier que l’on tort d’impatience, et tenter à tout prix de tromper l’ennui sur notre carnet ? Alors on écrira, même n’importe quoi. On balbutiera des analyses vaseuses, du phrasé lunaire. Avant de contempler, achevés – contrairement à nos livres – le résultat de notre transe. Faut-il puiser dans nos tripes, dans nos souvenirs à peine déballés sur le divan d’un psy, pour enfin se dire : ça y est, j’ai écrit. 

En vérité, c’est dur à dire. Les manières d’attaquer sont aussi variées que ceux qui prennent les armes : un stylo ou un clavier. L’écriture créative, cet art d’accoucher de tout. D’immoler la vraie vie, de sublimer des traits, de tromper l’ennemi en prétextant le vrai. 

C’est vouloir atteindre un objectif dans une quête sans contours. Et les mots, vastes et fourbes, nous joueront bien des tours. 


© Pour le dire