Le Procès Goldman de Cédric Kahn

Les faits 

Le 19 décembre 1969, une pharmacie située Boulevard Richard-Lenoir à Paris est la scène d’un double homicide. Tout accuse alors Pierre Goldman : révolutionnaire, inculpé dans de nombreux braquages, et curieusement dans le quartier au moment des faits. Il est alors condamné. En prison, il écrit un livre : “Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France” . Son livre est alors très bien reçu par la critique et la gauche intellectuelle de l’époque : Sartre, Simone Signoret, Simone de de Beauvoir s’emparent alors de ce cas. Le procès est médiatisé entraînant un second appel à la Cour, en 1975, soit six ans après les faits. Les cartes sont redistribuées, Pierre Goldman a obtenu du soutien de sa famille politique et des intellectuels, et apparaît à la Cour comme un homme déterminé a clamé son innocence. 

Le Procès Goldman : un huit-clos sous tension 

Cédric Kahn s’intéresse donc à ce deuxième procès en plongeant le spectateur dès les premières minutes dans une lettre houleuse de Goldman à son avocat, Maître Kiejman. Il est question de rivalités de deux jeunes hommes juifs de pouvoirs, de familles polonaises, aux ambitions différentes. Ce deuxième procès s’amorce donc dans une totale connaissance des frictions entre ces deux hommes, nous laissant entrevoir l’ombre des enjeux de pouvoirs sur des tableaux bien différents. L’effet miroir de ces deux hommes est par ailleurs représenté par un Goldman en hauteur, mais dans une cage, et Kiejman emprunté, mais libre. 

Arthur Harari en Maître Kiejman ©

L’effet de tension arrive également par la recherche de la vérité tout au long de ces deux heures de film. Sur des éléments tangibles ou intangibles, les langues se délient, les témoignages s’affirment comme se décousent. Chaque personnage est moteur de la vérité, mais comment s’assurer que le fondement même de cette vérité n’est pas assuré par une croyance plus profonde ? À force de se persuader d’un fait : n’en devient-il pas concret ? Comment savoir, alors, si les témoins n’ont pas cristallisé une erreur, une interprétation, ou usé de leur propre opinion… L’idée d’un racisme ambiant pèse ainsi dans la Cour, embourbant le procès aux yeux de tous. 

Pierre Goldman : un héro troublé 

Par delà le procès, on s’intéresse aussi à l’homme. Qui est Pierre Goldman ? Est-il le sauveur ou le bourreau ? L’intellectuel auréolé des sachants de l’époque ou le brigand aux méfaits reconnus ? Cédric Kahn porte alors un regard horizontal sur cette personnalité ambiguë, dont le passé trouble ne permet pas de distinguer clairement l’innocence ou la culpabilité. Aucune preuve : seulement des mots. Et Goldman en est maître : “Je suis né et mort en 1944” décrie-t-il alors. Les regards et la posture d’Arieh Worthalter sont raides, bruts, et les punchlines sont transgressives. C’est un procès de mots, utilisés comme des armes avec trois protagonistes clés : Pierre Goldman en accusé, Maître Keijman à la défense et Maître Garaud en opposant. 

L’histoire interroge donc par delà l’histoire de Pierre Goldman le rôle de la Justice et le poids des témoins. Peut-on confier la vie d’un Homme aux mains de ses semblables, dont on ne connaît pas les fins ? À voir. 

© Photographies : Moonshaker / Séverine Brigeot 
© Pour le dire