Conversation avec Wes Anderson – Festival Lumière 2023

Le Festival Lumière revient à Lyon avec de belles propositions pour les cinéphiles. Comme chaque année, Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et Délégué général du Festival de Cannes, tend son micro à des noms connus et reconnus du grand écran. Cette année, Wes Anderson s’est prêté au jeu d’une interview à grande échelle à l’Auditorium de Lyon. Au programme : échange sur sa carrière, projection de l’un de ses récents courts-métrages La Merveilleuse histoire de Henry Sugar (40min) et projection de The Grand Budapest Hotel.

Propos traduits en direct par le journaliste Didier Allouch.

Se renouveler, à chaque oeuvre 

Thierry Frémaux : On a le sentiment que chacune de vos œuvres est un renouvellement permanent tout en gardant votre style. Est-ce volontaire ?

Wes Anderson : Chaque fois que j’aborde un nouveau film, je ne cherche pas à savoir ce qui me définit en tant que réalisateur, ni à reproduire “mon style”. C’est à chaque fois différent, j’ai une nouvelle idée, une envie de raconter une histoire avec un angle différent. Mais cela me rattrape toujours et on finit par me dire “c’est du Wes Anderson”. Mais ce n’est pas grave, c’est sûrement ce qui permet de connecter mes films.

Stop motion VS Live action

Thierry Frémaux : Quelle est la différence lorsque vous approchez une nouvelle création en stop motion [NDLR : technique d’animation qui permet de créer un mouvement à partir d’objets animés, image par image] et lorsque vous écrivez un film qui sera joué avec de vrais comédiens ? 

Wes Anderson : Quand j’ai réalisé mon premier film d’animation, Fantastic Mr Fox, j’avais envie de découvrir ce que c’était. La deuxième fois, je savais où j’allais, quelles étaient à la fois les difficultés et le bonheur que pouvait apporter une telle expérience. Quand on attaque un film d’animation c’est comme si l’on se retirait dans un monastère. C’est très long, l’équipe d’animation travaille sans relâche. C’est une sorte de retraite collective. 

Fantastic Mr Fox (2009)

Son dernier long-métrage : Asteroïd City

Thierry Frémaux : Dans quelles conditions s’est déroulé le tournage du film Asteroïd City, cette ville imaginaire qui a l’air de se passer dans un désert américain fictionnel ? 

Wes Anderson : Selon le script, cela se déroule dans une ville américaine. Mais je souhaitais tourner ce film en Europe. On a trouvé une petite ville proche de Madrid, en Espagne. On a trouvé des champs et on les a transformés en désert américain. J’avais envie de tourner là-bas, sans savoir pourquoi. C’était une évidence pour moi.

L’originalité de la mise en scène

Thierry Frémaux : On sent que vous adaptez toujours la mise en scène à son sujet. La direction dans The French Dispatch n’est pas la même que pour celle de La Vie Aquatique, ou de Moonrise Kingdom. À quel moment le choix de la mise en scène intervient dans l’écriture ? 

Wes Anderson : La première chose à laquelle je pense quand je me lance dans un nouveau film, c’est l’histoire. Le reste arrive après. Je me concentre donc sur ce que j’ai envie de raconter en gardant en tête que la mise en scène doit toujours servir le propos. Tout doit être clair, perceptible. Je prépare mes plans et je construis les décors à l’avance, de sorte à me plonger dans la mise en scène avant même de commencer à tourner.

S’entourer des mêmes personnes 

Thierry Frémaux : Au fur et à mesure des films, vous avez commencé à vous entourez des mêmes personnes : tant dans l’équipe de tournage que dans les acteurs qui sont sur le projet. 

Wes Anderson : Cela vient assez naturellement. J’ai la chance de travailler avec des personnes que j’admire, alors dès qu’un projet se termine j’ai envie de recontacter ces mêmes personnes pour le prochain. Il faut aussi savoir que lorsque l’on part sur un tournage, nous faisons tout ensemble pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois : on mange ensemble, on vit ensemble, on dort ensemble. Cela crée des connexions particulières. L’expérience est à la fois humaine et artistique. C’est comme être en famille. 

Le style Wes Anderson 

Thierry Frémaux : The Grand Budapest Hotel, The French Dispatch, Asteroïd City… Vos films donnent le sentiment de l’expérimentation, presque de la radicalité, dans la création. Etes-vous d’accord avec cela ?

Wes Anderson : Quand je fais un film, j’ai toujours cette crainte : est-ce que je vais trop loin ? J’ai peur que le public ne comprenne pas mon intention, ce qui serait alors un film raté. J’essaie de rester en contact avec le spectateur dans mon intention. Pour le court-métrage La Merveilleuse histoire de Henry Sugar, j’étais très anxieux car je souhaitais rendre hommage aux mots et à l’histoire de Roald Dahl tout en captivant le public. Je suis tombé amoureux de ses nouvelles et c’est ce qui a motivé la création de ces trois courts-métrages, qui, je l’espère, sauront convaincre chacun de vous. 

Ses 3 nouveaux courts-métrages 

Thierry Frémaux : Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec les histoires de Roald Dahl et ce qui vous a donné envie d’en créer trois courts-métrages ? [NDLR : les courts-métrages de Wes Anderson sont disponibles sur Netflix depuis septembre 2023]

Wes Anderson : J’ai découvert cet auteur à travers un recueil de ses nouvelles acheté par  ou mon frère dans une foire aux livres, quand j’avais 7 ou 8 ans. Nous seulement les histoires m’intéressaient, mais j’étais aussi tombé nez à nez avec le portrait de cet homme, chez lui dans sa maison. Cela a créé tout une mythologie autour de Roald Dahl : où il vivait, à quoi ressemblait sa maison, quelle était sa vie… Ces mystères m’habitaient et sont restés en moi toutes ces années. Pour La Merveilleuse histoire de Henry Sugar, j’ai souhaité m’entourer d’acteurs anglais. On retrouve donc Ben Kingsley, Benedict Cumberbatch ou encore Ralph Fiennes. J’ai travaillé avec le même Directeur de la photographie que d’habitude, qui a fait encore une fois un travail extraordinaire : Robert Yeoman.

Photographies : en Une © Pour le dire / Images de films © 20th Century Fox 

Propos recueillis par Pour le dire lors de la Rencontre avec Wes Anderson au Festival Lumière 2023 à l’Auditorium de Lyon 

© Pour le dire