Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese

Martin Scorsese déçoit rarement. Casino, les Affranchis, Shutter Island, le Loup de Wall Street… Ses personnages sont libres, extravagants, dans la démesure. 

Mais cette fois-ci, le réalisateur italo-américain revient avec un conte plus sage. Sûrement, aussi, par le sujet qu’il emprunte : la lente colonisation du peuple Amérindien “Osage” par les Hommes blancs, au début du XXe siècle. Il crée alors une œuvre de 3h26 qui convoque à la fois l’Histoire, sombre et troublante, et la fiction, dans laquelle il inscrit des portraits brillants par leur dignité, leur sagesse, leur candeur, leur malice. Et ce, malgré l’horreur qui rampe tout autour. Critique.

Un hommage au génocide du peuple Osage 

Dans l’Oklahoma des années 1920, le peuple Osage est convoité pour leur richesse naturelle : le pétrole. Ce qui fait leur force devient petit à petit leur malédiction. Par un sournois silence qui s’infiltre dans les maisons, les membres meurent un à un. Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio) arrive dans ce contexte et se voit prendre sous l’aile de son oncle, William Hale (Robert de Niro), riche exploitant. Il rencontre alors Mollie Kyle (Lily Gladstone), Osage, qu’il épouse sous les conseils de ce dernier. Pris à partie à la fois chez les Osage et chez les Blancs, Ernest tente d’assurer une vie d’homme respecté, raisonnable, sans savoir qu’il joue sur un échiquier géant. 

Le réalisateur Martin Scorsese a passé près d’une année entière sur les terres du peuple Osage à recueillir leurs histoires, à tenter d’approcher au mieux la vérité. “Cent ans après le massacre des Osage, on a eu la possibilité de parler à des descendants directs de la tragédie, d’écouter leurs récits » déclarait l’acteur Léonardo DiCaprio lors de la première projection mondiale au Festival de Cannes en mai 2023. 

Cette proximité du sujet traité se ressent dans la réalisation. Martin Scorsese semble connaître son sujet et n’a pas besoin d’user de ses extravagances coutumières. Ici, tout passe par les regards, par la posture, par les bouches qui s’étendent et celles qui se pincent. 

Killers of the Flower Moon réussit à ne pas tomber dans l’excès de violence ni dans le pathos. Il rend justice car il (re)donne la mémoire. C’est une œuvre de combat : celui du peuple Osage pour la justice, des malades souffrants du diabète envers la maladie, et celui, inébranlable, de Mollie Kyle pour la vérité.

Killers of the Flower Moon : des acteurs troublants de justesse

Tant dans l’horreur, dans la stupidité que dans la dignité, les acteurs que dirige Martin Scorsese incarnent tous grandement leur personnage. On pense d’abord à Léonardo DiCaprio, qui campe un Ernest crédule, dont on connaît peu cette palette de jeu tant les rôles qu’il aborde généralement sont graves, voire le malmènent vers des terrains difficiles. Ici, Ernest n’est qu’un homme dans la quarantaine qui a envie de suivre les pas de ceux qu’il admire. Mais il ne regarde pas dans le rétroviseur pour constater les dégâts que ses choix empilent. Et les morts, avec eux. 

Lily Gladstone incarne Millie, la femme d’Ernest avec une profondeur remarquable. Clairvoyante, elle perce de son regard pénétrant la vérité en chacun. Toujours digne, malgré l’accumulation des drames familiaux, son personnage maintient sa droiture dans tous les sens du terme. Il est évident que ce rôle lui donnera une visibilité grandement méritée. 

Mentions spéciales aux acteurs Louis Cancelmi, incarnant un jeune loup à la froideur stupéfiante face à ses crimes et à Jesse Plemons, en enquêteur de Chicago, dont le jeu mesuré nous happe immédiatement.  

Killers of the Flower Moon : conclusion

À voir pour son sujet et pour la qualité des acteurs qui l’habillent. Killers of the Flower Moon est un long-métrage inspirant, renouant avec les codes des westerns 70’s tout en conservant l’humour piquant de Scorsese. Le film oscille donc entre humour et horreur, et nous plonge tout entier dans la beauté des coutumes et des paysages de ces contrées lointaines, tant dans l’époque que géographiquement. 

Photographies : © Paramount Pictures

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