“Nous savons ce que nous sommes mais pas ce que nous pourrions être”. Ainsi résonnent les mots d’Hamlet (Jaime Cruz). Depuis ses débuts, en 2003, Teatro La Plaza interroge le spectateur à travers des textes classiques et modernes. Les lignes alors récitées surprennent, questionnent, provoquent l’audience. Sur scène : des comédiens atteints de trisomie 21. “Ser o no ser”, “être ou ne pas être”, sont alors décriées sur le plateau. Les lignes résonnent au-delà de ces quelques mots.
La pièce de Chela De Ferrari
Adapter un texte de Shakespeare n’est pas mince affaire. On se confronte à des dizaines, des centaines d’adaptations tant au théâtre qu’au cinéma. Tragédie classique de William Shakespeare, Hamlet est une exploration profonde de la nature humaine, de la politique et de la condition existentielle. Cette frasque transcende les époques et les frontières et c’est en cela que Chela De Ferrari a souhaité apporter sa propre vision.
“J’avais depuis longtemps le désir de monter Hamlet. À chaque fois, je laissais tomber car je ne trouvais pas l’acteur adéquat. Jaime travaillait comme ouvreur à La Plaza, et j’ai visualisé cette image : Jaime avec la couronne du prince. J’ai imaginé dans sa bouche la grande question du monologue “être ou ne pas être”, et j’ai senti à quel point cela pourrait être électrisant” confie la metteuse en scène à Christilla Vasserot en 2023.
“Être ou ne pas être”. Dans les mots d’individus invisibilisés, au quotidien, cela prend tout de suite un autre sens. Être qui l’on veut être : est-ce seulement possible ? Ne pas être : vaut-il mieux mourir que d’affronter les affres de la vie ? Le sens de l’existence est ainsi questionné dans les eaux troubles du parcours mené par ce collectif d’acteurs éveillés. Si les thèmes, les personnages et la dramaturgie sont les mêmes, les émotions parcourues dans cette salle du Théâtre Croix-Rousse sont, elles, bien singulières. Pris par la main de ceux qui ne nous ont pas attendu pour se battre, nous sommes alors petits face à la force de leur espoir et de leur persévérance. Sans tirer le trait du pathos ou de la compassion, Chela De Ferrari offre un coup de projecteur au propre comme au figuré sur une nouvelle génération d’Hamlet, d’Ophélie, de Polonius ou d’Horacios.
Si les comédiens sont faits “de l’étoffe dont sont faits les rêves”, il leur est alors possible d’imaginer tout ce qu’ils pourraient être. Le théâtre est alors un medium, un recours. Un exutoire. Une autre condition. Se rêver en roi, en prince, ou en n’importe qui. Et, par-delà l’interprétation et la beauté du jeu, d’embrasser sa différence.
Écriture, mise en scène : Chela De Ferrari – Avec l’aide de : Claudia Tangoa, Jonathan Oliveros, Luis Alberto León
Avec : Octavio Bernaza, Jaime Cruz, Lucas Demarchi, Manuel García, Diana Gutierrez, Cristina León Barandiarán, Ximena Rodríguez, Álvaro Toledo
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Photographies : © Teatro La Plaza
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