Le garçon et le héron de Hayao Miyazaki 

Mahito, un jeune garçon plein de vie, est confronté à la terrible perte de sa mère dans un incendie ravageur. Endeuillé, il suit son père qui a retrouvé l’amour auprès d’une autre femme. Dès son arrivée sur les lieux, un élément l’interpelle : le héron cendré qui habite les hautes herbes du jardin semble particulier. Méfiant, il perçoit la bête comme un mauvais présage. Entre curiosité et rage, il la suit jusqu’au pied d’une mystérieuse tour. 

Le garçon et le héron : Un conte initiatique 

Comme dans beaucoup d’œuvres de Hayao Miyazaki, l’histoire qui se dessine sous nos yeux souvent émerveillés tient du récit initiatique. On suit la vie d’un jeune garçon qui découvre brutalement la vie d’adulte par la mort de sa mère. Cette fragilité évidente, portée par l’âge charnière aux portes de l’adolescence, conduit Mahito à se plonger dans une profonde quiétude. Voire une mélancolie. Il observe, devient éponge d’un monde nouveau. Il est une âme en peine qui erre dans ses nouveaux quartiers. Alors quand l’étrange vient frapper à sa porte, sous les plumes d’un héron, il prend cette nouvelle quête à bras le corps. 

La recette de Hayao Miyazaki est familière. Ses héros entament leur épopée dans un contexte souvent difficile : Chihiro vient de déménager et a dit aurevoir à tous ses camarades de classe, Ashitaka quitte son village et sa famille après avoir été condamné à une mort certaine, Sophie, orpheline, se résigne à être une bonne à tout faire après avoir été transformée en vieille dame… Et un coup de baguette magique vient secouer leur quotidien d’une touche d’extraordinaire. Mahito, comme ses camarades d’écriture avant lui, puise alors dans ses ressources de quoi affronter ce nouveau monde. 

Le garçon et le héron : de vives attentes en déceptions 

Cette première étape vers “l’autre monde” passée, tous nos sens sont en éveil. Et c’est normal : le maître de l’animation japonaise nous a habitués aux décors les plus somptueux, aux personnages les plus magistraux dans leur inhumanité comme dans leur bonté, à la nature règne en déesse, abritant de nouveaux êtres tout aussi sympathiques qu’effrayants. Pourtant, dans Le garçon et le héron, le décor peine à s’installer. Notre personnage principal semble presque trop mature pour son âge, même en ayant vécu son drame. Le héron, ce second couteau que Miyazaki se plaît souvent à rendre laid comme pour perturber notre jugement entre bon ou mauvais, n’a ni l’arc scénaristique, ni la répartie avant elle, pour nous conduire vers une profonde sympathie et adhésion. Finalement, nous ne sommes ni attachés à ce garçon distant, ni à ses camarades de jeu tout autour. 

Reste alors l’univers. Cet échiquier géant conduit à voir le monde comme un spectateur omniscient. La figure divine est d’ailleurs représentée par le “créateur” du monde, qui déplace des figures comme il déplacerait des villes. Une manière peut être peu subtile de guider le spectateur vers le choix divin de choisir s’il veut le bon ou le mauvais pour son monde, et celui de ses enfants. Seules les figures féminines, Kiriko et Himi, tiennent ce monde d’une main de fer. Mais l’origine de leur présence, leur vie ou leurs intentions restent obscures pour le spectateur. Nous assistons donc, presque impassible, à une beauté froide d’un spectacle d’animation qui n’a plus la saveur d’antan. 

Conclusion

Le garçon et le héron s’approche comme une longue méditation. C’est une aventure hors sol, car on ne peut enlever à Hayao Miyazaki le génie qui l’habite, mais qui peine à nous emporter corps et âme. On se laisse guider gentiment en traversant ses décors, les vies des personnages, les quêtes – peut-être trop subtiles – qui les animent. Même si Miyazaki nous dit “Ceux qui chercheront à comprendre périront” en l’inscrivant sur la roche, nous restons parfois insensible au message clé de cette œuvre Si le deuil semble être le moteur de la création – on pense par exemple à la disparition d’Isao Takahata, co-fondateur avec Miyazaki du Studio Ghibli – la conclusion n’en est pas plus douce. Le “monde en flamme” décrit en dernier tiers coupe le souffle de cette longue aventure d’une conclusion fataliste, presque surprenante. Si même Miyzaki perd espoir… Qui sera là pour insuffler le beau et l’espoir ?

À voir si vous êtes un fan des premières heures de Hayao Miyazaki. À passer si vous ne connaissez pas l’Oeuvre avec un grand O de ce maître d’animation, car le risque de ne pas adhérer, voire de s’ennuyer, est grand.  

Photographies : © Studio Ghibli 2023
© Pour le dire

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