Rencontre avec Emile Londonien au Festival Woodstower

Emile Londonien, c’est trois garçons originaires de Strasbourg avec Nils Boyny au clavier, Matthieu Drago à la batterie et Théo Tritsch à la guitare basse. Venus à l’occasion du Festival Woodstower, tenu au Grand Parc Miribel Jonage, ils reviennent sur leur influences anglaises, la création de leur collectif et label Omezis et nous transmettent, surtout, leur idée que le Jazz n’est pas qu’un genre musical à écouter assis, en début de soirée. Rencontre. 

Pour le dire : J’ai vu que vous connaissiez Gin Tonic Orchestra, anciennement Kaffe Creme, que j’avais eu l’occasion de rencontrer ici au Woodstower en 2019. Comment se passe la scène electro-jazz française, y a-t-il des scènes propices à vous rassembler ?  

Emile Londonien : Gin Tonic Orchestra a justement un collectif avec lequel ils organisent des soirées, et nous aussi, on organise des soirées avec notre collectif-label Omezis. On a pour projet de les faire venir à Strasbourg en octobre, eux nous ont fait venir dans leur club à Saint Etienne, le Solar, en décembre dernier. La scène est foisonnante ! Il y a de plus en plus de choses qui se passent, de groupes qui se créent, de collectifs, et pas seulement à Paris. On est aussi en lien avec un producteur qui s’appelle Kuna Maze, à Bruxelles. C’est chouette de pouvoir commencer à citer de nombreux nouveaux groupes dans cette dynamique. 

Le collectif jazz Gin Tonic Orchestra

Était-ce un pari, de faire entrer le jazz dans les oreilles des consommateurs de musiques actuelles, quand vous avez débuté à Strasbourg ?

Il y a d’abord eu une forte dynamique dans la scène jazz en Angleterre, qui existe depuis un moment mais qui a pris un autre tournant autour de 2015. On a vécu cette explosion dans des années charnières de nos vies de jeunes musiciens, toujours au Conservatoire. On montait alors nos premiers groupes et cette nouvelle dynamique jazz nous a donné envie, comme eux, d’amener ce genre dans des endroits que l’on connaissait finalement peu. 

D’où l’importance aujourd’hui d’être dans un festival comme le Woodstower, qui propose des artistes aux influences plurielles comme le rap, l’électro, l’indie pop, etc.

Partager l’affiche avec tous ces artistes a une résonance particulière pour nous. Le fait d’être affilié à des univers pas du tout liés au Jazz nous touche vraiment.

Pour revenir sur l’idée que cela pouvait être un défi de se lancer dans le jazz aujourd’hui, je pense que nous avions surtout envie de se lancer dans ce genre avant même l’apogée de ce style musical en Angleterre. On a commencé bien avant 2015 à chercher des labels, des collectifs. On avait cette nécessité de se rassembler autour de quelque chose qui nous unit, et qu’on ne trouvait pas ailleurs. Le plus simple, pour nous, était de lancer notre propre collectif. 

Il y avait une nécessité de se rassembler autour de quelque chose qui nous unit, qu’on ne trouvait pas ailleurs.”

Vous avez donc créé le label Omezis, dans lequel on trouve aussi “Cheap House”. 

Cheap House, c’est aussi nous ! C’est nous trois, avec une saxophoniste. Cheap House est d’ailleurs antérieur à Emile Londonien car c’est ce collectif qui nous a fait nous rencontrer. On a ensuite tous les trois eu envie de rendre hommage à la scène anglaise, d’explorer un autre jazz. Mais on continue à faire les deux projets. 

Vous réussisez donc à garder la tête froide pour ces deux projets ou bien Emile Londonien prend petit à petit du terrain sur Cheap House ? 

C’est vrai que l’actualité est plutôt en faveur d’Emile Londonien en ce moment. Cheap House a pu faire la clôture du Festival Jazz à Vienne, dans ce superbe théâtre Antique, mais on a aussi une actualité avec Emile Londonien pour Jazz à Vienne car on fera partie de la compilation “Past & Future” initiée par le festival. 

On a eu la chance d’avoir carte blanche avec notre label Omezis pour le Montreux Jazz Festival, où nous avons à la fois pu jouer avec Emile Londonien mais aussi proposé des créations pensées pour le Montreux. 

Photo : © Emile Londonien

Quelle est donc votre dynamique, en dehors des temps forts des festivals ?

Initialement on s’est connu à travers les Jam et via les différents groupes que l’on a pu monter ensemble. On s’est surtout rapproché autour d’Omezis où nous occupions tous les mois un lieu à Strasbourg appelé le Local. On faisait des soirées qui débutaient par des conférences autour d’un thème précis, puis on débattait avec les différents membres du collectif. Car il faut aussi préciser qu’Omezis est constitué d’une vingtaine de membres, et tous ne sont d’ailleurs pas musicien.ne.s. 

Avoir cette approche multiculturelle du Jazz vous permet donc d’ouvrir encore mieux le spectre de ce genre musical ?

Complètement. Notre idée était d’avoir un format complet, où tu peux te rendre à un concert mais aussi échanger sur toute l’histoire sociale, sociétale, politique, rattachée à la musique que tu écoutes. On aimait aussi finir en DJ set, ce qui nous a permis de découvrir le mix et d’apprendre, avec les DJ, de cette culture du DJ set. 

“On peut tout à fait écouter du Jazz jusqu’à 5h du matin, debout, avec des bières !”

Avez-vous l’impression qu’on ne peut inclure le Jazz qu’en première partie, où l’on mettra ensuite des genres plutôt techno-electro ? Ou est-ce qu’on peut se permettre de mettre du Jazz à 2-3h du matin ?

On a cette philosophie de présenter et de parler de cette musique qui influe la manière dont on va l’écouter. Si on se dit qu’on le met en première partie avec des chaises devant, on aura un certain public. Si on approche le Jazz à travers une autre esthétique, avec de la house, de la techno ou du Broken Beat, on peut alors inscrire le Jazz à d’autres temporalités de la soirée. On peut donc écouter du Jazz jusqu’à 5h du matin, debout, avec des bières !

La suite, pour vous ?

On sort notre nouvel EP le 09 septembre et on sera à la Petite Halle de La Villette, puis on sera de nouveau dans la région lyonnaise le 15 octobre pour un Un Doua de Jazz, à Villeurbanne. 

Merci au Festival Woodstower pour l’organisation de cette rencontre et à Emile Londonien pour leur disponibilité. 

© Pour le dire